Combien y a-t-il de Togolais à l’étranger ? Même si personne ne sait très exactement combien ils sont à être partis légalement ou illégalement, même s’ils seraient 25% de la population du pays, selon certaines sources, une chose reste évidente et indiscutable : la diaspora reste un levier, une ressource, une force…qu’il faut connaitre, mobiliser, organiser, solliciter, déployer…en vue du développement du pays. Et il faut surtout le dire, ce manque de quantification de la diaspora n’est pas une exclusivité togolaise. Et ce n’est pas Samir Bouzidi, expert international en mobilisation des diasporas africaines et CEO de la startup Impact Diaspora basée à Dakar, qui le démentirait.
« Aucun pays au monde n’est capable aujourd’hui de quantifier sa diaspora suivant une marge d’erreur raisonnable car c’est techniquement ingérable », reconnait-il d’un ton ferme. Mais à côté de ce manque, il existe tout un tas de solutions, d’alternatives que Samir Bouzidi est venues partager avec des institutions et officiels togolais dont le job est connexe aux questions de la Diaspora.
Faut-il le rappeler, la diaspora demeure un important vecteur de développement, un gisement à ciel ouvert au Togo comme dans tous les pays en Afrique, bien à rebours des considérations passéistes associées à une certaine « fuite des cerveaux ». Petite preuve irréfutable : les transferts financiers par rapport au PIB. Même si cela reste un levier à redynamiser, l’avènement de Covid-19 démontre si bien que l’aide de la diaspora en direction du continent reste la seule courbe qui se porte très bien, face à toutes les aides publiques – multilatérales, bilatérales, etc. – qui sont en chute libre.
La diaspora reste donc un potentiel immense. Mais alors pourquoi ce potentiel est-il sous ou faiblement exploité ? « Il y a sans doute une crise de confiance entre les Etats et la diaspora », avance Samir Bouzidi tout en nuançant que « la crise de confiance n’est pas moins prononcée entre les émigrés et leurs familles qui sont restées aux pays avec la manifestation de plusieurs formes d’arnaque ». Une double crise de confiance qui vient se greffer sur plusieurs autres considérations à prendre en compte dans les approches qu’il faudra sérieusement diversifier, en mettant un accent particulier sur le profilage de la diaspora.
Ce que fait le Togo
En ce qui concerne, le Togo, le gouvernement depuis quelques années a posé les bases d’une prise en charge optimale et d’une gestion efficiente des compatriotes Togolais résidant à l’étranger et le maintien d’une relation et d’un dialogue permanents avec ces derniers. Parmi les initiatives, on peut coter l’exonération de visa pour les Togolais binationaux, les assises de la diaspora de 2014, la semaine des réussites diaspora, le Haut Conseil des Togolais de l’Etranger, le guichet unique récemment dédié à la diaspora. « J’observe le Togo depuis quelques années et j’y vois des sources d’inspiration pour d’autres pays de la région », salue l’expert. C’est un vrai leadership en matière de stratégie publique d’engagement de la diaspora se félicite-t-il.
Mais, en évoquant la dernière initiative gouvernementale relative au recensement de la diaspora, il ne cache pas sa réserve : « Dans notre domaine, il y a deux travaux d’Hercule : vouloir compter la diaspora et chercher à la mettre d’accord ! ». D’où il propose plutôt des pistes. « Il faut « incentiver » l’inscription consulaire et/ou exploiter le potentiel du Big data et du digital. Mais il faut faire émerger la confiance avec la diaspora et travailler coûte que coûte sur son profilage.
Le profilage presqu’indissociable de l’ancrage
Selon Samir Bouzidi, malgré l’intérêt et l’ambition de plusieurs Etats en Afrique pour leurs diasporas, le constat est qu’il leur manque une véritable cartographie et le profilage de la diaspora. « Le Togo qui est sur une très bonne direction en termes de politique avec la diaspora, doit aujourd’hui travailler sur le profil de sa diaspora et mettre en place des produits ciblés notamment dans l’agrobusiness,l’économie touristique, l’import-export, etc. », incite-t-il. Avec le profil de diaspora, il faut être dans la co-construction des ambitions, des objectifs et de la stratégie ; ne pas avoir de grandes exigences d’immédiateté dans les résultats, invite-t-il. Et surtout se mettre dans la co-construction avec une diaspora qui a les défauts de ses qualités, car étant le « fruit » d’un modèle d’intégration (et de réussite) basé sur des qualités individuelles avant tout. Car étant forgée par l’histoire et les épreuves, celle-ci est exigeante, complexe, sceptique voire « indignée ».
Outre le profilage, il faut du point de vue de l’expert, consolider les ancrages multidimensionnels (extrafamiliaux) au pays d’origine ainsi que convertir ses potentiels individuels et collectifs : épargne, mobilisation des compétences, tourisme…
Les deux enjeux majeurs du Togo avec sa diaspora reposent sans doute sur ces deux piliers : profilage et ancrages multidimensionnels pour pouvoir réellement tirer meilleure partie de ce gisement considérable qu’est la diaspora y compris pour les transferts financiers où « un Togolais de l’étranger envoie aujourd’hui au pays trois fois moins d’argent qu’un sénégalais de la diaspora », note Samir Bouzidi.
Il faut dire que « Impact Diaspora » est basée à Dakar et est pionnière en Afrique francophone, sur les questions de l’engagement des diasporas africaines suivant une approche centrée sur les datas, le digital et l’ethnomarketing. Elle assiste des gouvernements et des privés à développer l’investissement, l’épargne, les réseaux d’influence…auprès de leur diaspora. Actuellement, elle travaille sur le profilage de la diaspora sénégalaise ; le lancement d’un premier fond d’investissement pour la diaspora malienne ; l’élaboration de la stratégie nationale de mobilisation de la diaspora ivoirienne ; le lancement d’une néobanque pour les diasporas d’Afrique du nord et prépare activement l’organisation à Paris du premier salon des diasporas africaines prévu pour avril 2023.
source : Togo Matin