Depuis des jours, les publications sur les réseaux sociaux, les commentaires des uns et des autres font état du fait que le Premier Ministre de la Côte d’Ivoire serait souffrant. Pire, il serait sérieusement malade. Je n’ai pas voulu le croire. Comment croire que toi, ce grand gaillard, soit souffrant au point de difficilement monté dans un avion ? Comment le croire ? Malgré la tempête médiatique et tout ce qui va avec, je n’osais pas croire ce qui se disait. J’ai fait des tentatives. En as-tu eu conscience ?
Le 10 mars était un jour comme tous les autres, et bien que la tempête médiatique ne cessait d’amplifier ce que nous n’osions pas croire, je n’imaginais pas un instant qu’une vraie nouvelle tempête se préparait.
Comme un coup de tonnerre, tout a changé lorsque je reçus un message WhatsApp d’un frère et ami qui me relayait un article indiquant que le Premier ministre, Hamed Bakayoko, était décédé. Malgré que l’article émanait d’un média plus ou moins crédible, je n’ai pas osé y croire et encore moins lire cet article jusqu’au bout. Recevant dans la foulée nombre de messages portant sur le même sujet, j’ai fini par me rendre à l’évidence que l’information pouvait être vraie.
J’ai malgré tout voulu moi-même retrouver cette information au travers d’un communiqué plus officiel. Hélas ! C’était vrai, Hamed Bakayoko était décédé. Quelle tragédie ! Les mots me manquent. Mon chagrin était grand. Cet homme qui a montré à toute une génération que tout était possible ; cet homme qui a démontré qu’avoir de bonnes valeurs pouvaient porter si haut ; cet homme qui a démontré que le vrai politique c’est celui qui vit tout pour ne pas dire l’ensemble des réalités de son pays, cet homme qui a servi loyalement son pays avec tant de ferveur était décédé.
Mes pensées se sont ensuite brouillées car le vide s’est emparé de moi. Le néant. Mes pensées sont allées à sa chère épouse et à sa famille, soudainement plongées dans la tristesse. J’ai pensé à ce pays, la Côte d’Ivoire sans Hamed, sans son âme, sans son état d’esprit. Ce pays que j’ai connu et qui bat au rythme des hommes comme Hambak. Un de ces grands hommes qui font corps avec ce formidable pays qu’est la Côte d’Ivoire.
Une grande nation qu’Hamed a servie avec abnégation, loyauté et passion jusqu’à son dernier souffle. Hamed était mon ami, mon grand, un frère. Suffisamment pour que je lui rende hommage aujourd’hui et aussi ouvertement dans les médias. En effet, je ne le remercierai jamais assez de m’avoir associé à une certaine époque aux grandes orientations stratégiques dans le domaine des médias et des télécoms de son pays.
Après avoir travaillé auprès de quelques institutions sur le dossier ivoirien, Hamed qui s’est intéressé à certains de mes travaux, sans même vraiment me connaitre à l’époque, me confia des missions au point de me faire siéger quelques années plus tard dans des commissions techniques au titre de la Côte d’Ivoire.
Sur le tard, Hamed m’avait aussi associé à quelques réflexions politiques de son pays. Moi le togolais qu’il qualifiait « d’ivoirien raté ». Mais cela c’est une autre histoire.
Hamed est un leader politique, un leader africain, un leader tout court. Un leader pour toute une génération. Il a été un leader hors norme dans la sous-région pour ne pas dire en Afrique. Qui ne connaissait pas Hamed ? De mon parcours professionnel et politique (pour la furtive immersion faite dans ce domaine), Hamed est et restera un modèle. J’en ai eu un, un grand frère qui a forgé mon parcours professionnel, j’en ai eu un deuxième, un ainé, presque un papa qui m’a initié à la politique.
Hamed est quant à lui, le « grand frère » qui a ouvert plus largement ma conscience sur ces deux périmètres, politique et professionnel. Il a fait même mieux. A l’époque, alors qu’il ne me connaissait que professionnellement, Hamed a réussi la prouesse de me faire présider à sa place et à sa suite un atelier organisé par Union International des Télécoms dans son pays. Pour mes travaux pour le compte d’Informa Télécoms & Médias, je n’oublie pas les facilités qu’il m’a accordées.
Pour ma part, c’est véritablement nos échanges toujours empreints d’une certaine solennité et bien souvent sur des sujets « sensibles » qui m’ont marqué. Hamed m’a démontré sa profondeur, en disant peu pour faire comprendre plus. Moi qui aspirait à être plus un ami de ses soirées festives, c’est vrai j’ai été invité à certaines, j’ai beaucoup plus été l’ami des travaux et réflexions intellectuelles voire idéologiques. Il m’en a voulu d’être aussi proche de son grand-frère Charles Koffi Diby que de lui, mais quand il a compris qu’un « club » allait lui rendre hommage, lui Hamed, il m’a remercié de la cachoterie. Sacré Hamed.
Ces dernières années, nos échanges étaient devenus rare. J’étais inquiet pour lui quand j’ai appris qu’il a été atteint du COVID. Nous avons à l’époque échangé quelques messages. Mais celui-là nous ne l’avons pas vu venir. Un cancer ? Même pas en cauchemar. Hamed est parti trop tôt. Une chose : Allah est grand, Allah est miséricordieux… Allah y rahmou.
Dans son pays, Hamed le politicien avait des relations privilégiées avec tous les acteurs politiques. Hamed était un agrégateur de consciences. Un de ces rares hommes politiques qui ne font pas de « l’adversité politique » une fatalité ou une idéologie. Un partisan acharné du vivre-ensemble. Un repère et un soutien pour les jeunes. Hamed avait les qualités d’un vrai leader. Il savait faire confiance, savait objectiver, savait motiver, savait libérer les énergies. Hamed parlait avec son cœur, sans calcul, sans fard ni mystification. Il était vrai. Hamed était un leader qui rayonnait au-delà de son pays.
Mes condoléances vont à sa chère épouse et à sa famille. Que Dieu les réconforte
Mon cher frère, Hamed, je te remercie de ton amitié et de tout ce que je peux dire ici aujourd’hui sans ton avis mais aussi de tout ce qui ne peut se dire ici malgré ton départ. De ta vie, de ta grande vie, je garde des émotions et des souvenirs, et l’image de ta passion et de ta grande contribution à ton pays. Je te remercie, Monsieur le Premier ministre Hamed Bakayoko. Merci, mon très cher grand frère, Hamed. Repose en paix.
Bougonou Djaneye Youssouf, Cadre commercial
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