J’ai connu Nkunu dans les années 90, à une période où Lomé était une ville littéraire, puis je l’avais perdu de vue pendant plus de 10 ans, avant de le retrouver par hasard lors d’un café littéraire autour d’un de mes romans, à Cacavelli, Lomé. A l’issue du café, il m’avait reparlé d’un vieux manuscrit qu’il avait de la peine à boucler. J’ai suggéré que la vie étant courte, il faut laisser aux lecteurs le soin de clôturer l’œuvre ou le rejeter. Ma conviction est qu’un texte, quoiqu’on fasse, appartient aux lecteurs.
Quelques jours plus tard, il me remit le manuscrit. Je le trouvai étonnant, au niveau de l’écriture, et très original et contemporain sur les plans thématique et imaginatif. L’idée de l’aider à publier hors du Togo s’est imposé à moi, et j’ai convaincu l’auteur et éditeur béninois Daté Atavito-Barnabé de s’en occuper auprès des éditions Plumes Soleil, à Cotonou. Le livre est finalement sorti en 2021 et connaît depuis un certain engouement auprès d’un lectorat très porté sur les nouvelles écritures.
C’est ainsi que l’aventure de Zoromi Soul Saga a commencé. A titre personnel, j’aime beaucoup le travail de Nkunu. Dans la littérature romanesque produite au Togo ces 10 dernières années, son oeuvre est un Objet Poétique qui vous tourne la tête, se détachant clairement par une exigence dans la prose, et un registre poétique assumé jusqu’à l’hermétisme; un peu (toutes proportions gardées) dans la veine d’un Kossi Efoui auquel je l’ai, intuitivement, associé. Il y a quelques jours, j’ai posé quelques questions à Nkunu. Je partage les questions et ses réponses avec vous.
Kangni Alem : En quelle année as-tu démarré l’écriture de ce roman et quand l’as-tu achevée ?
Nkunu : En réalité, je puis dire que j’ai commencé Zoromi Soul Saga en 2006… Je m’en suis séparé en 2017, sans pour autant dire que je l’ai achevé. Je ne sais plus exactement, j’ai souvent dit qu’il a duré plus de 11 années. Il me semble te l’avoir définitivement laissé, après 2017. Jusqu’à ce que l’éditeur le fasse sortir des presses en 2021.
A ceux qui diront qu’ils ne comprennent pas l’histoire du roman, pourrait-on répondre que, en fait, il n’y a pas une histoire mais des histoires, donc des mots qui essaient de faire sens, de lier un sentiment à l’autre? Ou autre chose que j’ignore ?
Les mots peuvent-ils faire sens, sans raconter aucune histoire ? C’est bien parce qu’il y a une histoire, que les mots ont pu faire sens.
Alors, c’est quoi l’histoire (pour simplifier), je veux dire que raconte ce roman, du point de vue de son auteur, puisque je suis convaincu que chacun aura sa lecture?
Je tiens d’abord à préciser que Zoromi Soul Saga se présente comme un jeu de puzzle jeté en vrac, que le lecteur ou la lectrice doit d’abord reconstituer… C’est l’histoire :- de la répudiation, de la spoliation d’une fille aînée, et de la mort d’une femme, qui a eu le malheur d’accoucher successivement de trois garçons mort-nés, après la fille…
La fille, mise en cloque par son père, accouchera d’un enfant asexué et mourra en couches.- d’un instituteur et de son élève. – de l’enfant asexué, aux prises avec son destin, qui cherchera à s’intégrer à la société, qui ne voit l’Homme qu’à travers un sexe . L’asexué y parviendra-t-il ? N’y parviendra-t-il pas ? Toujours est-il qu’il ira s’immoler par le feu, un jour d’éclipse totale du soleil, après avoir posé l’énigme des cauris…Les trois derniers chapitres, sont les trois derniers couplets de l’hymne à la femme qu’est Zoromi Soul Saga.
Quels sont vos liens avec un écrivain comme Kossi Efoui?
Kossi Efoui. Ah ! les années 80 et 90, quartier Ahligo. Il habitait une rue parallèle à la mienne. J’avais soupçonné le poète en lui, jusqu’au jour où, je l’ai vu à table, dans la bibliothèque du Centre Culturel Français d’alors. Nous sommes devenus amis. J’avais fait lire à Efoui mes écrits de cette période, dont je n’ai gardé aucun aujourd’hui. J’ai aimé sa nouvelle, « Les Coupons de Magali ». J’aime son style d’écriture.
Interview réalisé par Kangni Alem, Université de Lomé
Zoromi Soul Saga, roman, Cotonou, éd. Plumes Soleil, 2021
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