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Togo / Tourisme de mémoire : des Afro-descendants des États-Unis à la rencontre d’un artiste -prêtre vodou

Dans une atmosphère empreinte de spiritualité et de créativité, un groupe de touristes considérés comme Afro- descendants a visité, ce samedi 26 juillet 2025 un artiste singulier, à la fois plasticien et prêtre vodou. Une expérience riche en émotions, placée sous le signe de la reconnexion, de l’écoute et de la mémoire.

Rencontre avec un homme de Création et de Foi

Installé à Djassémé dans la commune des Lacs 3, Kossi Hemadzro ASSOU, figure emblématique dans l’écosystème artistique togolais conjugue art et spiritualité avec une intensité rare. Plasticien, designer, auteur, écrivain essayiste, entrepreneur culturel, il est également prêtre-vodou initié aux mystères ancestraux qui guident les vivants. Son travail, à la croisée de l’art, du design et de la spiritualité, figure dans plusieurs collections prestigieuses à travers le monde. Son engagement lui a valu d’être sacré Trésor Humain Vivant par le Togo en 2007, et classé parmi les 100 acteurs culturels les plus influents au monde. Il est également officier de l’Ordre National du Mérite.

Ses œuvres, souvent réalisées à partir des éléments de mère nature mêlent symboles sacrés, récits de possession et iconographies issues du panthéon vodou. Certaines sont exposées dans des galeries, mais c’est dans son temple-atelier en pleine nature que bat le cœur de la démarche. Chez lui chaque sculpture parle, chaque œuvre respire.

Une visite immersive entre art, rituels et transmission

Les touristes, tous Américains sont arrivés avec un mélange de curiosité, de découverte et de respect. Une première rencontre directe pour la plupart avec cette spiritualité souvent mal comprise ou diabolisée. Après avoir découvert le musée Agnassan Paul Ahyi à Cacaveli, ils ont fait escale à Djassémé, une étape marquante sur leur trajet du Ghana vers le Bénin, entre art, histoire et rites vivants.

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La visite commence par une libation : une calebasse d’eau enfarinée, l’essence des quatre éléments de la nature (terre, eau, air, feu) était versée sur le sol en invocation aux esprits. Des tambours se mettent à battre vigoureusement. Les voyageurs observent, écoutent et se mêlent aux rythmes chauds des chants. La journée se poursuit, l’hôte ASSOU raconte avec précision son parcours artistique et initiatique au rite vodou.

Les origines du vodou et ses principales divinités ont été présentées aux visiteurs, avec des explications claires, accessibles et profondément ancrées dans la tradition. Un moment sincère porté par le désir de transmettre, loin de toute mise en scène, ou d’une volonté d’impressionner. Ce fut un moment de rencontre personnelle, passionnante et à la fois émotive. La rencontre

s’est achevée par un rituel de bénédiction proposé à ceux qui le souhaitaient. Un moment intime pour renouer avec une part oubliée de leur héritage africain.

Un pont entre les mondes : résonances afro-descendantes

Ce moment, ce lieu, ce paysage artistique et plein de symboles agit comme un miroir. Pour celles et ceux dont les racines ont été arrachées, cette rencontre devient une façon de ressentir l’histoire, pas juste la lire. Ils ne viennent pas pour consommer. Ils viennent pour comprendre, pour sentir, pour reconstruire des liens.

La maison de Kossi ASSOU est bien plus qu’un espace privé : c’est un lieu de création, de pédagogie, ancré dans les traditions tout en étant ouvert sur le monde, on y retrouve des œuvres toutes porteuses de sens, de savoir et de récits à transmettre.

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En Inscrivant ce site sur la Liste des Biens Culturels du Togo, l’Etat reconnaîtrait une forme d’héritage vivant qui attire déjà l’attention de visiteurs surtout internationaux en quête de sens, de spiritualité et de mémoire. Ce lieu pourrait devenir une véritable escale culturelle dans la région, au même titre que les Hauts lieux du patrimoine matériel et immatériel, avec une dimension intime et contemporaine en plus. La reconnaissance officielle de la maison de Kossi ASSOU permettrait non seulement de protéger un espace unique, mais aussi de soutenir l’artiste dans son rôle de passeur entre générations, entre continents, entre monde visible et invisible. Ce serait aussi un signal fort de reconnaissances envers les expressions culturelles et spirituelles locales souvent marginalisées dans les discours officiels du patrimoine.

Cette rencontre n’était pas simplement culturelle, elle était réparatrice. Ce « tourisme spirituel » encore marginalisé, ouvre des voies nouvelles, il offre aux Afro-descendants des occasions de se reconnecter aux cultures mères, tout en valorisant des pratiques stigmatisées. Un échange respectueux, chargé d’émotions, de reconnaissance et d’avenir.

 

Une contribution de : Larissa KUEGAH

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