Quelques semaines après les manifestations de juin, Gilbert Bawara, ministre de la Réforme du service public, a pris la parole. Dans un entretien accordé au journal Le Point, il dresse un tableau sécuritaire délicat, défend la réforme constitutionnelle et rejette toute dérive autoritaire.
Dans un climat socio-politique émaillé par les violences et les arrestations ainsi que des allégations de tortures, Bawara campe sur une ligne dure. Pour lui, les troubles de juin sont le fruit d’une « situation séditieuse, [de] velléités insurrectionnelles » suscitées par « un groupuscule de cyberactivistes, de blogueurs et d’artistes […] cherchant à créer un climat de chaos généralisé ». À ce titre, il juge légitime la réaction des forces de l’ordre, estimant qu’« il était du devoir des pouvoirs publics de faire respecter la loi ».
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Accusé de répression brutale, le gouvernement réfute toute disproportion. Le ministre rappelle que « les forces de sécurité n’ont pas agi dans des rues vides ou contre des personnes pacifiques ». Il insiste sur le contexte : « Les mots d’ordre étaient clairs : paralyser l’économie, créer le chaos ».
Quant aux cinq morts officiellement reconnus, Bawara affirme qu’« une procédure judiciaire est désormais ouverte ». Les deux décès supplémentaires évoqués par la société civile, notamment ceux de mineurs, sont jugés non documentés : « Il n’existe à ce jour aucun élément précis permettant de les confirmer ».
Interrogé sur l’affaire Aamron, rappeur arrêté puis hospitalisé de force en psychiatrie, Gilbert Bawara récuse l’idée d’une disparition forcée : « Je ne dispose pas des détails… mais ses proches ont eu accès à lui. » Pour le ministre, l’artiste « jouit des droits et libertés […] mais n’est pas exempt de responsabilité ».
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À ceux qui dénoncent le silence du président de la République et du président du Conseil, Bawara répond par une leçon de gouvernance : « Il faut éviter la personnalisation du pouvoir […] Le manque d’affichage médiatique n’est pas un signe d’indifférence ». Selon lui, l’objectif du nouveau régime parlementaire est de « promouvoir une gouvernance collective », car dit-il, il ne faudrait pas faire de fixation sur la personne du président.
Quant à la réforme constitutionnelle d’avril 2024, adoptée sans référendum et permettant à Faure Gnassingbé de se maintenir à la tête de l’exécutif, elle est, selon Bawara, un levier de modernisation. « La Constitution repose sur des principes démocratiques reconnus […] Elle permettra au pays de consolider sa stabilité ».
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À ceux qui parlent de verrouillage du débat public et d’interdiction de toute manifestation, il rétorque : « La liberté de manifester n’est pas un droit absolu […] On ne peut pas invoquer des frustrations pour justifier des troubles ».
À ceux qui s’interrogent sur l’avenir démocratique du Togo, Bawara répond par le long terme. L’histoire des grandes nations, dit-il, s’est construite « en période de royautés et de régimes d’exception ». L’Afrique, elle, n’en serait qu’au début. En somme, la démocratie est aussi en marche au Togo.