“Une reconnaissance qui me touche énormément”, s’est exprimé le plasticien Sokey Edorh à travers sa page Facebook au lendemain de la cérémonie de remise de distinction. Le plasticien reconnu pour ses écritures et son art de la latérite rejoint les 450 promus au rang de Chevalier des Arts et des Lettres chaque année. Une gratification qui reconnait « le rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde » accordée par le ministère français de la Culture.
Augustin Favereau, l’ambassadeur de France au Togo, a en effet remis mardi 25 juin 2024, à sa résidence à Lomé, les insignes de chevalier des Arts et Lettres à cette ponte, l’une des plus influentes de l’art contemporain au Togo, voire en Afrique : Sokey Edorh.
Les œuvres de Sokey Edorh, né en 1955 à Tsévié, font penser aux peintures rupestres, aux signes et écritures qu’il a pu observer à travers ses multiples voyages notamment chez les Dogons au Mali, en Dordogne, à Lascaux (France), etc. Les lignes, les signes abstraits comme les pigments utilisés évoquent la recherche d’une forme de primitivisme, au sens noble du terme, celui qui renvoie aux œuvres pariétales réalisées par les hommes, il y a plus de 40 000 ans. « La latérite, cette terre rouge d’Afrique à la fois matériau de construction et de fabrication d’objets artisanaux et sacrés va lui donner la possibilité de se renouveler et de se distinguer, écrit Armelle Malvoisin, l’agent de l’artiste. Il va chercher à profusion, cette latérite et au pied du mont Agou, où niche son atelier, à quelque 100 km au nord de Lomé, avec des villages environnants et leurs maisons aux murs rouges qui déteignent sur sa créativité.
L’artiste indique aussi qu’il collecte de la latérite dans différents pays, lors de ses voyages, pour obtenir des teintes différentes. « La poussière est plutôt orange en Côte d’Ivoire, plutôt rose au Burkina Faso », dit-il. Ainsi les terres d’Afrique se mélangent-elles sur ses toiles sans frontières.
Son appropriation des signes et symboles issus d’anciens systèmes d’écriture dont il assume les influences, ne font pas, toutefois, de ses toiles aux idiomes artistiques profondément personnels, des œuvres passéistes. Au contraire, il revendique un art qui jette le pont entre la société africaine moderne et son passé. Tout en « m’ouvrant aujourd’hui aux techniques modernes, je reste attaché à ces systèmes d’écritures traditionnelles, terreau de ma philosophie plastique, et je réitère clairement ma vision d’un langage de communication à la façon du mythe de Janus », note le plasticien dont la renommée dépasse largement les frontières nationales, avec des œuvres achetées et exposées à travers le monde, témoignant de son impact et de son influence. Autre preuve : Sokey entre cette année dans la collection du Centre Georges Pompidou à Paris.
Une carrière pleine de qualités humanistes
Sokey Edorh a débuté sa carrière sous l’influence du maître Paul Ahyi dès l’âge de 19 ans. Son travail, marqué par une exploration profonde de la mémoire collective et des enjeux contemporains, a été salué par l’ambassadeur pour ses qualités humanistes et son engagement envers l’histoire et le présent de l’Afrique.
« En tant qu’artiste plasticien, mon travail a toujours été guidé par la passion, l’authenticité et le désir de partager une vision unique du monde. L’art, pour moi, est un langage universel qui transcende les frontières, unit les cultures et éveille les consciences. Recevoir cette distinction de la part de la France, un pays qui a une histoire et une tradition artistique si riches, est une source d’inspiration et de motivation », a ajouté l’artiste devant ses parents, sa famille, ses amis et collègues, avant de dédier la distinction à tous les artistes en soulignant : « Que cette reconnaissance serve de rappel que l’art a le pouvoir de changer les cœurs et les esprits, et qu’il est essentiel de le soutenir et de le célébrer. »
Avec cette distinction l’année artistique est riche est pleine pour l’artiste qui a pu exposer dans deux galeries françaises à Paris : la galerie Christophe Person et la 193 gallery avec en toile de fond des œuvres acquises par des fondations en Europe et en Afrique. Tout cela grâce à un travail titanesque abattu par son agent Armelle Malvoisin, qu’il ne manque pas de saluer.
Lire aussi : La démarche vers le quantique de l’artiste plasticien Richard Laté Lawson-body