Les juridictions de droit commun et militaires participent à l’administration d’une bonne justice. Les civils, tout comme les militaires, doivent répondre de leurs actes. Pour la comparution des militaires, seule une juridiction d’exception est compétente. D’où l’opérationnalisation de la justice militaire au Togo, somme de plusieurs défis visant à préserver la sécurité, les droits fondamentaux et l’État de droit.
Les activités de la justice militaire ont effectivement démarré le lundi 09 octobre 2023 à Lomé. Elles ont commencé par un atelier d’imprégnation des différents corps des Forces armées togolaises (FAT).
L’objectif de cet atelier est de clarifier aux militaires et paramilitaires des notions liées aux infractions, aux compétences des juridictions militaires, ou encore aux fonctions de siège. Il faut noter que les juridictions militaires sont conçues pour être animées tant par les magistrats de l’ordre civil que par les magistrats militaires formés à cet effet. « Nous avons à bâtir la justice qui est rendue au nom du peuple togolais. Avec l’avènement de la justice militaire, le Togolais saura que le militaire est un frère, que le militaire jouit des mêmes droits et des mêmes obligations que lui, et que le militaire aussi est soumis à la loi », a indiqué le ministre de la Justice, Pius Agbetomey.
En prélude à l’opérationnalisation de la juridiction militaire, le président de la République Faure Gnassingbé avait, il y a quelques mois, nommé les magistrats devant siéger dans ce tribunal ainsi qu’à la Cour d’appel militaire.
Le décret présidentiel du 24 avril 2023, nommant huit magistrats spécialisés, rend désormais opérationnelle la justice militaire au Togo. Ce décret fait suite au vote de la loi portant code de justice militaire de 2016, modifiée par la loi 2023-001 du 09 janvier 2023, qui a mis en place le cadre juridique et la composition de cette juridiction.
La juridiction militaire permettra de juger d’éventuels militaires ou militaires assimilés présumés coupables d’une infraction. Les motivations en vue de l’opérationnalisation d’une juridiction militaire doivent être perçues de façon plus approfondie. Ces mobiles peuvent être essentiellement de quatre ordres.
Le premier est relatif aux contributions militaires togolaises aux missions onusiennes de casques bleus. 16ème plus important contributeur de personnel en uniforme aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, le Togo fournit actuellement 1 102 militaires et policiers. Les militaires togolais sont très actifs dans les opérations de l’ONU en République centrafricaine, en RDC, au Soudan du Sud et en particulier au Mali. Cette présence, ajoutée à la multiplication des crises sécuritaires en Afrique, conduit le Togo à se doter des instruments juridiques capables de juger les militaires même en mission. Elle vient donc concourir à la professionnalisation de l’armée. L’érection de cette juridiction invite au même moment les militaires togolais en service détaché à être des modèles parmi les contingents onusiens.
De plus en plus engagé sur des terrains d’opérations militaires à l’externe qu’à l’interne, le Togo mobilise des militaires pour barrer la route aux terroristes, surtout dans le nord du pays.
Le second ordre est motivé par la menace sécuritaire régionale et la nécessité d’engager plus activement les militaires togolais dans la préservation de l’intégrité territoriale.
La vague d’attaques terroristes qui a touché le Sahel depuis la chute du guide libyen en 2011 s’est étendue jusqu’à la côte. C’est ainsi que la Côte d’Ivoire, le Bénin puis le Togo font fait face à la menace terroriste. Confronté à la crise sécuritaire, le gouvernement a initié plusieurs actions, notamment l’opération Kondjouaré. Cette opération mobilise de plus en plus de troupes et positionne les militaires togolais dans une guerre asymétrique où les dommages collatéraux sont envisageables. Face à l’implication des militaires togolais dans les théâtres de combat, grande discipline et respect des consignes militaires s’imposent. La juridiction militaire vient donc à point nommé pour jumeler la nécessité de défendre les frontières mais aussi de protéger les vies humaines, surtout celles des civils.
Le troisième ordre milite en faveur de la consolidation de l’État de droit au Togo. La juridiction militaire participe à l’équité. Que l’on soit civil ou militaire, elle rappelle que l’on est tous égaux devant la loi. Les militaires ont alors une pleine connaissance qu’ils jouissent des mêmes droits et devoirs que les civils. Cette juridiction permet ainsi d’éviter l’impunité et les bavures dont peuvent être auteurs les militaires ou assimilés.
Enfin, ces motivations peuvent aussi être liées aux menaces internes. Il s’agit notamment d’atteintes à la sûreté intérieure et extérieure de l’État, d’espionnage, de haute trahison, de divulgation de secret défense et d’autres infractions d’ordre militaire.
La loi portant modification de la loi n° 2016-008 du 21 avril 2016 portant nouveau code de justice militaire, dispose en son article 47 : « En temps de paix comme en temps de guerre, les juridictions militaires sont compétentes pour instruire et juger : 1) les infractions d’ordre militaire prévues par le présent code ; 2) les atteintes à la sûreté intérieure et extérieure de l’État impliquant des militaires et assimilés ; 3) les infractions de toute nature commises par des militaires et assimilés : – en service ou à l’occasion du service ; – dans les casernes, quartiers et établissements militaires ou chez l’hôte. 4) Les infractions de toute nature commises par des militaires ou assimilés, leurs coauteurs et leurs complices avec les moyens appartenant aux armées et institutions assimilées ».
Les juridictions militaires ont une composition mixte. Elles comportent des militaires professionnels et des magistrats militaires, appelés à juger en toute indépendance et impartialité.