Le jeudi 17 avril 2025, l’amphithéâtre 500 du campus nord de l’Université de Lomé s’est transformé en tribune d’alerte sanitaire. Organisée par le Laboratoire de microbiologie et de contrôle de qualité des denrées alimentaires (LAMICODA) de l’École supérieure des techniques biologiques et alimentaires (ESTBA), une conférence-débat a réuni une centaine d’étudiants, enseignants, professionnels et citoyens autour d’un thème brûlant : les risques microbiologiques associés à la consommation d’aliments de rue et d’eau de forage non traitée. Une initiative portée par le microbiologiste Dr Bouraïma Djeri, directeur du LAMICODA, et modérée par le professeur Damintoti Karou, directeur de l’ESTBA.
Dès les premières minutes, le ton est donné. Près de 700 000 décès annuels dans le monde sont dus à des maladies d’origine alimentaire ou hydrique, rappelle le Dr Djeri, citant des données de l’OMS. La majorité des victimes sont des enfants, souvent emportés par des diarrhées à répétition. Le Togo n’est pas épargné : flambées de choléra en période d’inondation, prolifération de bactéries dans les aliments vendus à même la rue… La réalité est préoccupante. Si ces repas sont souvent choisis pour leur accessibilité, ils n’en restent pas moins de véritables nids à microbes lorsque les normes d’hygiène sont ignorées.
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Parmi les principaux agents pathogènes identifiés dans ces aliments : Escherichia coli, Salmonella, Staphylococcus aureus, Vibrio cholerae… mais aussi des protozoaires, virus et moisissures comme Aspergillus flavus. Des analyses menées par le LAMICODA sur des produits de consommation courante — riz, haricot, bouillie de maïs, sandwichs, œufs ou lait cru — révèlent des niveaux de contamination largement supérieurs aux normes AFNOR. À titre d’exemple, certains échantillons de lait cru affichaient jusqu’à 3 860.10⁵ germes/ml, alors que la norme autorise 5.10⁵/ml. Pire encore, un sandwich contenait 700.10⁵ germes totaux par gramme, soit 230 fois la limite réglementaire. Des résultats que le chercheur a illustrés à l’aide de graphiques frappants.
Chaîne de contamination : le maillon faible, c’est l’humain
Au cœur de cette problématique se trouvent les fameuses « 5M » — Matériel, Milieu, Méthodes, Main-d’œuvre et Matières premières — identifiées comme les points névralgiques du processus de contamination. L’eau sale utilisée pour la préparation, les ustensiles non désinfectés, l’environnement insalubre, les gestes négligents et l’absence de formation des vendeurs forment une combinaison explosive. Environ 80 % de ces commerçants ignoreraient les règles d’hygiène élémentaires, selon Dr Djeri. Le microbiologiste a également dénoncé un vide juridique et une application molle des lois existantes, soulignant une « absence criante de contrôle » et « une tolérance dangereuse » de la part des autorités compétentes.
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L’événement s’est terminé sur un appel clair à l’action. Pour les organisateurs, il est temps de sortir du cercle vicieux de l’inaction. Former les vendeurs de rue, renforcer les contrôles sanitaires, actualiser les textes de loi, sensibiliser la population : autant de leviers à activer pour espérer inverser la tendance. Car la question n’est pas simplement alimentaire — elle est sanitaire, sociale et profondément humaine.
En écoutant les témoignages du terrain et les analyses scientifiques, le public a compris que la lutte contre l’insalubrité alimentaire ne relève plus du choix, mais de l’urgence. Dans les assiettes de rue comme dans les verres remplis d’eau de forage, il en va de la santé de tous.