D’entrée.
Si écrire est un acte qui ne se décrète pas, la qualité d’un livre, par contre, peut se décréter. Bien sûr, il ne s’agit pas ici d’ordonner par un certain pouvoir délégué ou acquis mais d’apprécier l’écriture d’un auteur par l’estime que son originalité suscite en le lisant.
La valeur artistique de « Renaissance », recueil de poèmes de Gilles BOCCO, publié aux Editions Awoudy en février 2018, est un bien aimable livre de par le style, le choix des images, la structuration, le classement des poèmes, les liens entre les images, les titres et les couleurs ou la couleur.
La première de couverture.
La première de couverture du livre rime bien avec un certain hermétisme positif constaté du poète. L’image, difficilement interprétable, est celle de plusieurs cercles intégrés les uns aux autres. Au centre surgissent des lambeaux aux bouts quelque peu effilés, dont quatre de même couleur, et un cinquième d’une couleur différente, dirigé vers le bas, retenant par deux courtes tiges ceux de droite et de gauche. Cette image compliquée, rappelle bien les logos des groupes spirituels fermés au grand public et partageant une philosophie difficile à cerner par le commun des mortels. Ou alors c’est un pentacle représentant un égrégore choisi à dessein par Gilles BOCCO. C’est le début de tout un complexe, de doute, de questionnement, de l’hermétisme de la nature de l’auteur, et surtout de l’assurance d’un fond artistiquement soutenu du livre, hermétisme se référant ici à ce qui est secret ou pas facilement pénétrable. L’image de la première de couverture saute à notre regard critique et dit clairement à notre perception que Gilles BOCCO aurait tissé un lien solidement intrinsèque avec le divin.
Gille BOCCO serait-il dans une étroite relation avec un ordre spirituel ordinaire ou secret ? Quelle est sa religion ? Ou est-ce la poésie sa religion ?
Les couleurs.
On ne devrait pas le dire, plusieurs couleurs composent la couverture du livre. Mais la dominante est le jaune, couleur de l’innocence, de la naïveté, de la virginité, du feu, de l’or, mais attention, couleur des rois et des empereurs.
Quelle est donc la valeur de cette couleur pour Gilles BOCCO, poète de la « Renaissance » ? Et de quoi renaît-il ? Ou de quoi voudrait-il que la nature humaine et le monde renaissent ?
Aperçu critique du fond.
Les thèmes de la renaissance et de la réincarnation.
Renaissance
Quand le dénuement fut à son comble
L’horizon des justes recours tout à fait sombre
Le méli-mélo en haut s’installant en décombres
Alors jaillit impromptue la lumière sans pénombre
La vie qui jadis se dérobait de toute envie
Resplendit soudain devant tous les interdits
De l’agonie le cœur étincelle à rythme inédit
Propageant félicité et gaité urbi et orbi
La défaillance est-elle si voisine de l’essence
Pour voir succéder à l’intégrale désespérance
Le doux rayonnement de la totale renaissance
Au grand dam de la saugrenue impatience ?
Ainsi meurt la nuit pour que le jour naisse
La graine pourrit pour que la fleur paraisse
La chaleur muselle pour que la fraîcheur réchauffe
Et la déception accable pour que l’amour triomphe.
On pourrait bien voir à travers le titre « Renaissance », classé à la cinquième partie « Renaissance », du recueil « Renaissance » que Gilles BOCCO est réellement en quête d’un renouvellement, d’une mise à neuf, ou d’une régénération. Les mots et expressions qui s’opposent dans le poème sont les témoins de notre jugement et soutiennent notre analyse : « sombre, décombres et pénombre s’opposent à jaillit la lumière ; jadis s’oppose à soudain ; Resplendit, inédit et félicité s’opposent à agonie ; meurt la nuit s’oppose à le jour naisse ; La graine pourrit s’oppose à fleur paraisse ; puis déception accable s’oppose à amour triomphe » etc. L’autre poème classé dans la rubrique « Renaissance » est « Mourir pour vivre » qui montre comme dans un miroir la volonté de l’auteur de mettre la suprématie du bien sur le mal. Nous pouvons d’ailleurs aller loin pour lui prêter le concept de la « Réincarnation » qui peut se définir comme une nouvelle naissance de l’âme dans un autre corps. Autrement, comment peut-on renaître sans que l’âme ne retourne dans un autre corps ou dans une autre matière ?
Les lecteurs noteront donc que la quintessence de toutes les images créées par l’auteur dans ses vers répondent bien au titre dans la mesure où le bien s’oppose au mal et les mauvaises situations aux réalités souhaitées. Ils noteront aussi que les situations créées par l’auteur sont en lien intime avec le titre « Renaissance », c’est-à-dire un perpétuel recommencement. Parce qu’il trouve à tout ce qui meurt une autre vie, à tout ce qui dégénère une régénérescence, à tout ce qui se fane une sorte de renouvellement, à toute déception un amour nouveau, à toute mort une nouvelle vie, permettant à notre regard critique de trouver au livre la thématique de « la philosophie de l’éternité » dans la mesure où tout ce qui renaît ne meurt jamais ! Les cercles intégrés de l’image de la première de couverture en sont une preuve. Car le cercle est la figure de la « perfection », le symbole du chemin qui ne finit jamais, l’idée d’un éternel recommencement. On voit bien combien Gilles BOCCO appelle de tout son vœu à la création d’une société renouvelée, à l’émergence d’une conscience collective rebaptisée, à la reconversion des leaders politiques pour un nouvel ordre politique.
Des qualités à l’hermétisme : Gilles BOCCO, fabricant ou procréateur de vers.
Le style de Gilles BOCCO est bien assis, constant et appliqué. Les vers sont consistants et majoritairement courts. Ils ne sont jamais dénués de poésie, de rythme, de cadence, de sons plaisants. L’écriture est limpide et les strophes distinguées. Les titres sont curieux et les poèmes bien regroupés par thématiques en différentes parties. La poésie est bien au rendez-vous dans le livre. Le livre est ivre de maturité !
Mais le regard critique déniche une sorte d’hermétisme en mesure de repousser le lecteur de moindre niveau (prière ne pas en être choqué).
Gilles BOCCO a un vocabulaire difficile d’accès. Des mots impopulaires et lourds. Tout porte à croire qu’il fabrique une versification obligatoire dans le souci que la terminaison d’un mot marie, embrasse ou croise un autre mot afin de créer un son uniforme, amenant les lecteurs à se demander si l’auteur est un fabricant de vers donc poète artificiel ou un procréateur de vers donc poète naturel ?
Pour qui Gilles BOCCO écrit-il ?
Point sur les thématiques du livre et conclusion.
Au vu des différentes tentatives de démonstration, d’explication et de questionnements opérés sur « Renaissance », il pourrait être clair dans les esprits que le thème sous lequel le recueil est écrit est complexe et insaisissable. Il draine une certaine spiritualité que l’ouverture et la gentillesse de l’auteur pourraient permettre aux lecteurs de comprendre. D’ores et déjà, on peut retenir que le livre draine les philosophies de l’ « éternité », de la « réincarnation » des Êtres et des choses et de la « perfection ».
Avril 2018.
KOUDOSSOU Fiku Maurie
Sociologue de la communication.