Récépissé N° 0010 / HAAC / 12-2020 / pl / P

 Niger / Russie : une transaction d’uranium au cœur des tensions régionales

Des informations concordantes émanant de sources diplomatiques occidentales et médiatiques, dont le quotidien français « Le Monde », infèrent que le régime militaire au pouvoir au Niger négocierait la vente d’environ mille tonnes d’uranium du yellow cake stocké près d’Arlit au conglomérat nucléaire d’État russe, Rosatom.

Ce projet d’accord, dont la valeur est estimée à 170 millions de dollars (soit environ 147 millions d’euros), aurait été formalisé par le général Abdourahamane Tiani, chef de l’État nigérien, et la firme russe.

Un acheminement logistique sensible via le Togo

Selon les détails qui ont filtré, le minerai serait convoyé par la route à travers le Burkina Faso avant d’être acheminé vers le port autonome de Lomé, au Togo. Ce transit serait la première étape logistique avant l’embarquement de la cargaison vers Saint-Pétersbourg.

Cette perspective soulève de vives inquiétudes non seulement pour la sécurité régionale, mais aussi pour la stabilité diplomatique ouest-africaine. Si cette opération se confirmait, elle placerait le Togo au centre d’un dispositif logistique à haut risque. La question centrale est posée : le chef de l’État togolais, Faure Gnassingbé, autoriser a-t-il le passage d’un tel convoi sur le territoire national ?

Le transport de cette importante quantité de minerai nécessiterait la mobilisation de plusieurs dizaines de camions. Ceux-ci devraient traverser les régions du nord et de l’est du Burkina Faso, des zones notoirement instables et en grande partie sous l’influence de groupes terroristes.

Convoyage fait craindre, bien naturellement outre, des attaques, des tentatives de détournement dont les conséquences pourraient être désastreuses. D’ailleurs, un spécialiste de la prolifération nucléaire alerte : « Si une seule tonne de ce minerai tombait entre les mains de groupes armés, les conséquences seraient potentiellement catastrophiques. »

Une telle issue pourrait entraîner des manipulations du matériau, générant des risques de radiation et de contamination à travers toute la sous-région.

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Le démenti de Niamey

Toutefois, une source au sein du gouvernement nigérien a formellement réfuté l’existence d’un tel arrangement. La source a affirmé qu’« aucun contrat de vente de yellow cake n’a été conclu entre le Niger et la Russie », écartant également tout projet de transfert via le Togo.

Ce démenti n’est pas suffisant pour dissiper les préoccupations, le sujet étant particulièrement délicat dans le contexte actuel de réalignement géopolitique du Sahel.

Ce réalignement est marqué par un rapprochement croissant des régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger avec Moscou.

Le tournant de la souveraineté nigérienne

L’uranium concerné proviendrait du site d’Arlit, historiquement exploité par Orano, la société française spécialisée dans l’énergie nucléaire. Suite au coup d’État de juillet 2023, la junte nigérienne a engagé une politique de reprise en main de ses ressources minières.

Début 2024, elle a révoqué les licences d’Orano, transférant le contrôle des sites à des entités nationales. Ce virage met un terme à plus de 50 ans de coopération nucléaire franco-nigérienne. Plusieurs diplomates et cadres français du secteur avaient été expulsés, accusés d’« ingérence » et d’« attitudes néocoloniales ».

En août 2025, Niamey a également procédé à la nationalisation de la principale mine d’or industrielle du pays, invoquant de « graves manquements contractuels » de l’exploitant occidental. Cette politique de souveraineté, bien que saluée par certains, a accentué l’isolement international du Niger et accru sa dépendance envers de nouveaux partenaires, la Russie en tête.

Lomé face à un dilemme diplomatique

Dans ce contexte très tendu, le Togo se trouve dans une position délicate. D’un côté, le président du Conseil, Faure Gnassingbé, entretient des relations jugées cordiales avec les régimes militaires sahéliens, notamment dans le cadre de la coopération régionale en matière de sécurité. De l’autre, le chef de l’État togolais, par ailleurs médiateur mandaté par l’Union Africaine (UA) dans la région des Grands Lacs, a cultivé une image de diplomate pragmatique et respecté sur la scène internationale. Il est alors difficile de l’imaginer donner son accord, qui nuirait non seulement à son image diplomatique reconnu, mais aussi celle de son pays, respecté pour le charisme qu’il en imprime.

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Cette question intervient quelques jours seulement après que Faure Gnassingbé a participé à Paris à une conférence internationale sur la paix et la sécurité dans la région, co-organisée avec le président français Emmanuel Macron. Cette posture semble difficilement compatible avec l’accueil d’un convoi au potentiel explosif au sens propre comme au figuré. Dans l’attente d’une clarification officielle, tous les regards se tournent vers Lomé. La décision du président togolais, seule habilité à autoriser ou à refuser le passage du convoi, pourrait peser lourdement sur les équilibres diplomatiques ouest-africains.

 

 

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