En l’espace de dix ans, les paiements numériques, et plus particulièrement les systèmes de paiement instantané, ont progressivement permis de lutter contre les flux financiers illicites. Il s’agit notamment du blanchiment d’argent et de l’évasion fiscale. En apportant une meilleure traçabilité des transactions financières, les paiements numériques contribuent ainsi à protéger l’économie nationale.
Véritable fléau pour les économies, les flux financiers illicites étaient surtout favorisés par les paiements en espèce ou en cash. Mais aujourd’hui, les paiements numériques permettent de créer des garde-fous pour détecter les transactions douteuses. En apportant plus de transparence, par le biais de la technologie, ces paiements bouleversent les stratégies de lutte contre les crimes financiers.
Avant l’émergence des paiements numériques, les transactions en espèces faisaient la part belle aux blanchisseurs d’argent. Ces criminels arrivaient facilement à dissimuler leurs activités sans laisser de traces. Cette opacité leur permettait de se jouer des régulations, car, comme le souligne le directeur régional ouest-africain de la Fondation AfricaNenda, Jamelino Akogbeto, « dans le cas du cash, on ne sait même pas ce qui s’est passé. Et on ne peut même pas remonter à celui qui en est la source ».
Mais avec l’adoption croissante des paiements numériques, une nouvelle ère s’ouvre. Chaque transaction effectuée par des moyens électroniques, que ce soit par carte, virement, ou téléphone mobile, laisse une trace détectable. Chaque utilisateur est identifié, chaque mouvement est enregistré. Le système de « connaissance du client » (KYC) devient un outil fondamental dans cette bataille. À travers une identification rigoureuse, les autorités peuvent désormais savoir exactement qui effectue quelle transaction, et pourquoi. “On sait qui fait quoi, et même on peut identifier les transactions qui sont illicites”, ajoute Jamelino Akogbeto. Ce niveau de traçabilité, qui n’était pas acquis avec les paiements en cash, permet non seulement de détecter les comportements suspects mais aussi d’identifier rapidement les personnes impliquées.

Un dispositif de reporting automatique
Les paiements numériques ne se contentent pas d’assurer la traçabilité. Leur capacité à agir comme un dispositif retraçant l’historique des transactions, représente une arme supplémentaire contre les flux financiers illicites. Les systèmes de paiement instantané analysent les transactions en temps réel, identifiant tout comportement déviant ou suspect. De ce fait, un utilisateur qui effectue trop de transactions dans un laps de temps très court peut être immédiatement signalé par le système. Comme l’explique encore le chef ouest-africain de la Fondation AfricaNenda, « le système de paiement était généralement un dispositif d’antifraude donc ça permet immédiatement d’identifier les transactions qui sont suspicieuses ».
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Ces technologies, en mettant en lumière des anomalies de manière proactive, permettent aux autorités fiscales et judiciaires de prendre des mesures avant même que les crimes ne se concrétisent pleinement.
L’implication des gouvernements et l’exemple du Bénin
Pour les gouvernements, le passage aux paiements numériques est bien plus qu’une simple question de modernisation : c’est une nécessité stratégique. Non seulement pour renforcer la transparence fiscale, mais aussi pour garantir une meilleure régulation des flux financiers. Un exemple frappant nous vient du Bénin. Dans une volonté de promouvoir les paiements électroniques tout en luttant contre le blanchiment d’argent, le gouvernement béninois a instauré une taxe supplémentaire de 1% sur tous les paiements en espèces supérieurs à 100 000 francs CFA. « Le gouvernement béninois veut donc promouvoir les paiements digitaux parce qu’ils ont besoin de plus de transparence », souligne Akogbeto. En revanche, les paiements effectués via des moyens électroniques (téléphone, carte) échappent à cette taxe. Ce choix illustre traduit la volonté du gouvernement béninois de promouvoir les paiements numériques en vue de lutter contre la fraude puisqu’il incite à adopter une option traçable plus facilement.

Pour rendre ce mode de transactions plus populaire, les gouvernements doivent non seulement garantir l’accessibilité des paiements numériques à tous leurs citoyens, mais aussi renforcer les systèmes de régulation et de contrôle. Cela nécessite une modernisation des plateformes, une amélioration des systèmes de cybersécurité, ainsi qu’une éducation numérique pour assurer l’inclusion de tous, y compris les populations les plus vulnérables.
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Les avancées dans le domaine des technologies financières qu’il s’agisse des crypto-monnaies, des blockchains ou des systèmes de paiement instantané ouvrent un champ d’opportunités pour les gouvernements et institutions financières. Mais comme le rappelle la Banque mondiale dans ses rapports, « la régulation des paiements numériques doit être mise en place de manière stratégique pour éviter les risques tout en favorisant l’inclusion financière ».
Edy ALLEY
NB: Cet article a été rédigé dans le cadre de la Bourse de journalisme sur les IPN organisée par la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest et Co-Develop.