Récépissé N° 0010 / HAAC / 12-2020 / pl / P

La LUMEN VALLEY ou les PYRAMIDES des temps modernes

« Le besoin de donner sens nous caractérise. Vivre sans tisser les choses entre elles ? Sans relier hier à aujourd’hui ? Sans se préoccuper du pourquoi et du comment ? Impossible ! Notre capacité à imaginer est instinctive et infinie ; nous ne pouvons-nous empêcher de nous conter les choses, la vie, le monde, de nous raconter des histoires. Comprendre, s’expliquer bien ou mal, faire des récits est un besoin vital, une nécessité permanente ; comme manger ou respirer. » C’est en ces termes que l’écrivain togolais Théo ANANISSOH justifie toute production littéraire dans son livre Reconnaissance, Chroniques–Essais.

Il y a des lieux qui nous marquent au fer chaud. Comme l’empreinte indélébile des êtres humains. Dans l’après-midi du samedi 06 décembre 2025, je n’ai pas pu résister à la tentation d’aller à la découverte de la LUMEN VALLEY (dont j’ai vu les images de son inauguration en novembre 2024) dans les hauteurs de Djamdè à partir de Kara. En prenant la route de Bassar après avoir dépassé Don Bosco, je ne m’attendais pas à cette expérience touristique unique. Tout devait basculer dans le bon sens juste à la bifurcation à partir de la signalétique.

Une piste caillouteuse par endroits, ravinée entre montées et descentes devait me conduire jusqu’à l’entrée d’une hacienda des tropiques. On paye le ticket d’entrée en pensant que c’est presque la destination finale. Peine perdue. On finira par ne plus regretter la distance et l’état de la voie dès qu’on arrive à destination dans cette Vallée lumineuse dont les bâtisses sont pour moi comme les Pyramides d’Egypte que j’avais eu la Chance de visiter en décembre 2005. Vingt ans plus tôt. Exactement. En quoi la Lumen Valley peut être considérée comme les Pyramides des temps modernes ?

Le site apparemment aride

Je n’y suis pas allé en période de la luxuriance de la végétation. Je ne saurai décrire à quoi ce site pouvait ressembler en juillet ou en août. Mais à la faveur des efforts du jardinage, on remarque l’allure de la courbe : des plantes massifs, plates-bandes, plantes vivaces, grimpantes, arbustes et arbres fruitiers.

Mais toujours est-il qu’en décembre on est témoin, surtout dans l’attente de l’harmattan, d’un écosystème presque aride comme le site de Gizeh à quelques encablures du Caire en Egypte, en plein désert.

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Un terrain légèrement accidenté

Comme cela se présente sur le plateau des Pyramides de Gizeh, la Lumen Valley présente de moyennes dénivellations qui donnent après tout un charme particulier au site d’un lieu à un autre, entre le Noviciat et la piscine par exemple.

Tout se passe comme si on pourra donner raison à l’auteur togolais Kossi EFOUI dans son roman Solo d’un revenant : « Les racines de la terre sont aériennes, que le corps de l’homme est créature de l’espace, et qu’il n’en finit pas, semblable à tout autre corps, d’habiter un vaste creux du vide, de quel côté que ses pieds l’entrainent, semblable à tout autre corps céleste, sans autre marque d’origine que la trace volatile d’incessantes transmigrations, voilà tout. »

La pierre comme matériau

La pierre a été le matériau de construction des bâtisses de la Lumen Valley. Il s’agit des pierres taillées (au sens historique comme géographique) comme les Pyramides antiques. Ici ou là, la régularité, la symétrie, l’esthétique et la technicité relatives à l’ouvrage interrogent sur toute la ligne. A la Lumen Valley comme à Gizeh, il s’agit de la technique de l’enrochement : un travail qui consiste à poser les pierres les unes sur les autres sans sable ni ciment pour produire un ouvrage, un mur de clôture par exemple. A Djamdè, il y a entre autres la transformation de la pierre locale en pierre d’ornements (sol ou murs).

Même à Gizeh (à la seule différence qu’en Egypte les pierres sont nettement plus grosses) comme à Djamdè, on pourra toujours se poser la question sur l’origine ou les origines de ces roches exploitées.

Une architecture monumentale

La monumentalité reste après tout le trait de caractère commun des deux sites. C’est bien connu pour les Pyramides d’Egypte sur lesquelles des documentaires ont toujours tourné en boucle même pour situer ceux qui ne les ont pas visitées pour de vrai.

La Lumen Valley se caractérise également par ses constructions pharaoniques qui en imposent par leur majestuosité sur toute la ligne.

Les bâtisseurs d’hier, d’aujourd’hui et de demain

Le fil d’Ariane est présent sur toute la ligne. Une formation pour faire naître les bâtisseurs de demain a été la cheville ouvrière à la base de la construction de la Lumen Valley bâtie par des artisans locaux sous la conduite des Frères de Saint-Jean.  Il s’agit ainsi d’une pépinière de talents dans les différents corps de métiers impliqués dans l’ouvrage.

Pendant ce temps l’égyptologie continue toujours par interroger les origines et le processus de construction des pyramides pharaoniques par ses bâtisseurs. La recherche a encore de beaux jours devant elle.

 

Un lieu en dehors du temps et du monde

J’avoue qu’en visitant la Lumen Valley, on se croirait dans un film peut être de science-fiction, à une autre époque et dans un autre monde. Et pour se coller à la technologie numérique ou digitale, on pourrait penser à toutes les manipulations relatives à une certaine intelligence artificielle. On se croirait comme en face des Pyramides d’Egypte qui semblent provenir carrément d’une autre époque et d’une civilisation des extraterrestres.

 

Entre nature et modernité

Le site de Djamdè a intégré un parcours botanique qui a pour résultat l’étiquetage des arbres qui renseignent sur leurs noms scientifiques et leurs vertus. Il y a également des pistes de randonnées qui donnent des vues imprenables sur la Lumen Valley sans oublier les deux montagnes qui font face aux Rooftops de la salle de conférence. On s’y plonge, on s’y abandonne et par magie cette nature communique cette parcelle si rare de sérénité.

La nature y est présente indéniablement des deux côtés. Du côté de Djamdè, derrière cette apparence rustique et monacale se décline un certain confort proche du luxe qui ne dit pas son nom. Les commodités sont d’une modernité indiscutable de la piscine à l’héliport en passant par le terrain de pétanque, l’aire de jeu pour les enfants, la rutilance des salles de réunion et le restaurant.

L’appel du touristique

Dans Solo d’un revenant, l’écrivain togolais Kossi EFOUI donne le ton de l’appel du large à travers la métaphore de la clé d’une serrure.

« Voilà comment je suis. Je suis comme la clé. Elle tourne dans un sens, elle tourne dans l’autre. Ouvrir ou fermer, elle ne sait pas ce que c’est. Elle ne s’en préoccupe pas. Elle tourne dans un sens puis dans l’autre, c’est tout. J’ai changé d’avis. Je pars avec vous demain. »

Quand le visiteur arrive sur le site de la Lumen Valley, partir devient presque impossible face à attractivité. En ajoutant du dépaysement aux potentialités touristiques de Djamdè, on a la seule différence qu’il est impossible de passer la nuit sur le Plateau de Gizeh par manque d’hébergement contrairement à la Lumen Valley avec ses chambres qui sont au-delà du minimalisme.

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Une nouvelle merveille du monde

Les Pyramides d’Egypte faisant déjà partie des (anciennes) merveilles du monde, (d’ailleurs, la seule qui tutoie le temps en se tenant encore debout après trois mille ans avant Jésus Christ et aujourd’hui cinq mille ans !) il est de bon ton de classer sur coup de cœur la Lumen Valley parmi les sept nouvelles merveilles du monde.

Les sept nouvelles merveilles du monde ont été désignées à la suite d’un vote organisé par la New Seven Wonders Foundation, liée à la New Open World Corporation, et dont les résultats ont été dévoilés le 7 juillet 2007 à Lisbonne.

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Il y a de quoi impressionner le visiteur

Le tourisme, qu’il soit culturel, balnéaire ou autre, se base toujours sur une certaine singularité de la destination. Ce caractère singulier constitue même le premier critère d’identification de tout patrimoine culturel. Visitez le lieu, c’est être impressionné par la visite. Nos deux sites présentent cet aspect qui subjugue véritablement tout visiteur.

Le spirituel en filigrane

Dans l’un ou dans l’autre cas, le spirituel est de mise de bout en bout. A la Lumen Valley un pôle vie spirituelle existe bel et bien à travers des activités spirituelles matérialisées par celles du noviciat d’Afrique de la Congrégation des Frères de Saint-Jean.

En ce qui concerne les Pyramides d’Egypte, nul ne peut douter de leur pesanteur spirituelle qui écrase tout visiteur qui se fait tout petit comme s’il était en face ou dans une cathédrale.

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En guise de conclusion :

Théo ANANISSOH, dans son livre A feu nu, Essais sur nous avance cette thèse :

« Puisque nous maîtrisons l’écriture désormais, nous devons écrire l’Afrique. Nos Afriques. Nous devons dire à nous-mêmes comment nos lieux et nos paysages sont à nos propres yeux, à notre propre âme, et comment nous y vivons au fil du temps qui s’écoule. C’est ainsi que nous créons le pays et que nous le transmettons à ceux qui nous suivent. C’est ainsi que nous empêchons, que nous interdisons à quiconque venu d’ailleurs de nous dire ce qu’est notre propre pays. »

La Lumen Valley pourra échapper difficilement à ce passage obligé d’un narratif sans fioritures. Pour moi, ce fut un tête-à-tête, une rencontre profonde et durable, à jamais inscrite au plus profond de mon être, un voyage intérieur intense et inoubliable dont le souvenir reste toujours vivace et gravé dans ma mémoire.

Rencontre mythique et magique où l’eau, les pierres, les arbres et la terre m’interpellaient à chaque pas, me plongeant alors dans une longue, intense et inoubliable causerie. Ces éléments de la nature dont on ne peut se passer, respirent la vie. Une sensation et un sentiment de paix sauvage m’avaient envahi. Entre la Lumen Valley et moi, un dialogue était né auquel il ne manquait plus que les mots. Car je crois que chaque élément a une mémoire. En parcourant la Lumen Valley, l’envie et le sentiment permanent de devoir prolonger toujours plus loin ces promenades guidaient mes pas. Cette nature rendue somptueuse par l’homme m’imposait de partir à la recherche de moi-même. Cheminement dans cet immense espace où j’empruntais chaque chemin non au hasard, mais comme guidé par une main invisible. La voie à prendre était là, comme une évidence. Marcher sans cesse pendant des minutes et découvrir dans ce temple, au détour d’un chemin, une feuille qui tombe, un oiseau qui s’envole. La réflexion détruit l’émotion. Dans ces moments-là, on essaye en permanence de réfléchir le moins possible afin de protéger ces instants de toute interférence. Tout avait un sens, une présence personnelle contagieuse. Il existe, de par le monde, des lieux dans lesquels on a envie de s’abandonner. La Lumen Valley a été pour moi une route vers beaucoup de choses. Un parcours à l’intérieur de moi-même. Une histoire. L’infini.

 

Adama AYIKOUE,

Gestionnaire du Patrimoine culturel

 

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