L’Ethiopie est le toit de l’Afrique. C’est en effet un pays montagneux composé de hauts plateaux et de bassins d’effondrement. Quoi de plus normal que la capitale Addis Abeba soit située à 2. 300 mètres d’altitude. Addis-Abeba, l’immense capitale de l’Éthiopie, est située dans les hauts plateaux bordant la vallée du Grand Rift.
Selon une phraséologie de l’histoire actualité et une certaine conscience collective de l’Africain, l’Ethiopie renvoie à des images d’enfants faméliques victimes de la famine et de la sécheresse entre 1972 et 1974 et plus tard de 1984 à 1985. Plus proche de nous, ce sont des clichés de la guerre au Tigré avec son cortège d’exactions de part et d’autre.
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Mais face à la réalité contemporaine, Addis Abeba est une grande cité moderne du pays du café arabica (première culture d’exportation du pays) issu des terres où le Nil, le plus long fleuve de l’Afrique prend sa source. Quelle est dont la part du mythe et celle de la réalité au contact d’une visite de quelques jours dans la capitale éthiopienne à la faveur d’une mission de l’UNESCO consacrée au dialogue régional sur les « nouveaux types de coopération et d’accords en matière de retour et de restitution de biens culturels à l’Afrique » en janvier 2025 dernier ?
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L’histoire de l’Ethiopie :
Selon la légende, l’empire d’Ethiopie est né de l’union du royaume de Salomon et de celui de la reine de Saba. Historiquement, c’est au début de l’ère chrétienne que fut créé un royaume d’Ethiopie, avec Aksoum comme capitale. Il fut évangélisé au IVe siècle par l’église égyptienne, qu’il suivit dans l’hérésie monophyte. Au Moyen Age, l’Ethiopie, terre chrétienne dans le monde arabe, était connue sous le nom de royaume du Prêtre Jean. Les attaques musulmanes, nombreuses au XVIe siècle, furent repoussées avec l’aide portugaise.
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L’Ethiopie moderne date de Théodore II (1855 – 1868). Ménélik II, qui avait signé avec l’Italie le traité d’Ucciali (1889), repoussa ensuite les prétentions italiennes au protectorat et vainquit les Italiens à Adwa le 1er mars 1896. Mais ceux-ci reprirent leur offensive en 1935. L’Ethiopie, vaincue en 1936, constitua avec l’Erythrée et la Somalie, l’Afrique orientale italienne. Elle fut libérée par les Anglais en 1941 et entra à l’ONU en 1945. Gouvernée par l’empereur Hailé Sélassié Ier depuis 1930, elle joue un rôle important dans l’organisation de l’Afrique contemporaine depuis l’historique bataille d’Adwa.
La mémoire du symbole de la bataille d’Adwa
La victoire de l’Ethiopie sur l’Italie a acquis au cours du XXe siècle une valeur de symbole pour toute l’Afrique noire. Seul pays demeuré indépendant dans un continent totalement colonisé, l’Ethiopie était la preuve que des Africains pouvaient résister à l’avancée des Européens et surtout se gouverner par eux-mêmes. Ce symbole servit de catalyseur aux nationalistes africains. Ce n’est pas sans raison que les églises indépendantes créées en Afrique du Sud prirent le nom d’Eglises éthiopiennes et que le siège de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) devenue Union africaine (UA) s’y trouve.
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Les visites selon un circuit hautement thématique du musée et du mémorial d’Adwa constituent la mise en espace et en tourisme de cette riche histoire d’une grande portée patrimoniale. L’Ethiopie a ainsi construit le musée commémoratif de la victoire d’Adwa au cœur d’Addis-Abeba, la capitale, en commémoration de la victoire du pays contre les envahisseurs italiens en 1896. L’inauguration du musée commémoratif a eu lieu quelques jours avant la 37ème session ordinaire de l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine et le 128ème anniversaire de la victoire d’Adwa. Le mémorial de la victoire d’Adwa commémore de ce point de vue la bataille historique d’Adwa, qui s’est déroulée le 1er mars 1896.
Cette bataille a marqué la victoire de l’Ethiopie sur les forces italiennes et a assuré l’indépendance et la souveraineté du pays au cours de la lutte pour la libération de l’Afrique, constituant un exemple historique pour le mouvement d’indépendance des pays africains dans les années 1960.
Lors de l’inauguration du mémorial de la victoire d’Adwa, le Premier ministre Abiy Ahmed a appelé tous les Ethiopiens à conserver les valeurs et la sagesse de leurs ancêtres, afin de préserver l’unité nationale et la prospérité du pays. Il a exhorté la génération actuelle à hériter de la sagesse des ancêtres qu’elle a appliquée pour gérer les différences, préserver l’unité et défendre la souveraineté de la nation.
« Être les fils et les filles des héros et des héroïnes qui ont courageusement participé à la bataille d’Adwa est une récompense unique pour les Éthiopiens », avait déclaré le Premier ministre.
Le musée abrite également une collection d’objets, de documents et de photographies, entre autres, qui illustrent les événements historiques de la bataille d’Adwa, l’histoire de l’Ethiopie et la lutte contre le colonialisme.
Le tambour qui a annoncé la guerre, les armes et les costumes utilisés par les patriotes pendant la guerre, le « Tshai », un avion qui a récemment été ramené d’Italie, entre autres, sont exposés dans les locaux du bâtiment commémoratif.
Situé au cœur de la ville, ce musée ultramoderne, qui est également dédié au panafricanisme a ajouté de la beauté à Addis-Abeba tout comme le Palais national.
Le Palais et le musée nationaux :
Ce bâtiment gouvernemental emblématique fut la dernière résidence de l’empereur Hailé Sélassié. Après son renversement en 1974, le palais a été abandonné pendant plusieurs années, puis utilisé comme résidence présidentielle et comme lieu de réception d’État.
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Le bâtiment est de style néoclassique, avec une forte influence Art déco. Les bas-reliefs de la façade principale illustrent l’histoire de l’Éthiopie. Avec les jardins qui l’entourent, il constitue un site patrimonial majeur, d’un grand intérêt culturel, historique et esthétique encore inexploité à ce jour.
Le Palais national est destiné à devenir une destination touristique majeure dans la capitale. Le projet se concentre sur la mise en valeur du site et de ses collections selon les normes internationales, à travers trois actions principales :
La restauration du Palais national, de ses collections et d’une partie de son parc, ainsi que la transformation de son sous-sol en musée. Pour les collections impériales permanentes, la construction d’un nouveau bâtiment d’accueil pour les visiteurs et l’aménagement d’espaces ouverts au public est prévue. Le développement d’un programme scientifique et culturel (y compris pour le musée de la Collection de voitures de l’Empereur) adapté au récit et à l’image associés au Palais, et inclusif pour tous les types de public.
Il est prévu le renforcement de l’institution patrimoniale, afin de mettre en place des moyens adéquats pour la gestion du palais, avec un modèle économique durable, une gouvernance fonctionnelle et des capacités humaines adaptées à chacune des fonctions d’une institution culturelle accessible au public.
Addis Abeba est un centre culturel et économique du pays. Son musée national expose des œuvres d’art éthiopien, des objets artisanaux traditionnels et des fossiles préhistoriques, notamment des répliques de Lucy, le célèbre premier hominidé. Ornée d’un dôme en cuivre, la cathédrale de la Sainte-Trinité est un site d’intérêt néo-baroque ; c’est également le lieu où est inhumé Haïlé Sélassié, empereur au XXe siècle.
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L’Ethiopie dispose de quoi véritablement impressionner le visiteur à travers par exemples la langue amharique, une architecture futuriste et la riche et efficace flotte de sa compagnie aérienne Ethiopian. Riche d’une culture ancestrale matérielle comme immatérielle, il s’agit d’une véritable contribution à l’attractivité touristique et culturelle d’Addis-Abeba ; un apport au développement de l’économie locale ; un renforcement des compétences de l’État éthiopien en matière de gestion du patrimoine national.
Adama AYIKOUE,
Gestionnaire du Patrimoine culturel