L’affaire a tout d’une descente aux enfers politique. Hugues Comlan Sossoukpè, journaliste béninois réfugié au Togo depuis 2021, a été arrêté à Abidjan, extradé en pleine nuit vers Cotonou et aujourd’hui emprisonné. Une extradition éclaire qui choque au-delà des frontières africaines.
Tout commence le 8 juillet. Le directeur du site d’investigation Olofofo arrive à Abidjan, invité par le ministère ivoirien de la Transition numérique pour couvrir l’Ivoire Tech Forum. Il s’installe à l’hôtel Palm Beach, prêt à remplir sa mission. Mais le 10 juillet, tout bascule. Des policiers frappent à sa porte. Ils lui parlent d’une convocation judiciaire. En réalité, ils le conduisent directement “au salon d’honneur de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, où l’attend un avion privé spécialement affrété”.
Pourtant, “son statut de réfugié politique, accordé par le Togo en 2021, figure noir sur blanc sur son passeport”. Selon la Convention de Genève de 1951, aucun réfugié ne peut être renvoyé vers un pays où il risque sa vie. Une règle bafouée sans scrupule.
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Escorté par des policiers, Sossoukpè atterrit à Cotonou le soir même. Il est immédiatement placé en garde à vue, puis présenté à un juge de la CRIET. Trois accusations pèsent sur lui : “harcèlement par voie électronique”, “rébellion” et “apologie du terrorisme”. Depuis, il croupit à la prison de Ouidah.
Les autorités béninoises restent floues. Leur porte-parole affirme simplement que le journaliste “répondra de ses actes devant la justice”. Côté ivoirien, le silence est total. “Nous exigeons des explications”, déclare Reporters sans frontières (RSF), qui parle d’“une violation manifeste du droit international”. Arnaud Froger, responsable du bureau investigation de RSF, fustige “un cas de refoulement illégal orchestré entre deux États”.
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Depuis des années, Hugues Comlan Sossoukpè dérange. Son site Olofofo a été fermé en mars dernier, après des enquêtes dénonçant les violences électorales et les atteintes aux libertés. Même exilé au Togo, il disait recevoir des menaces régulières.
Ce coup de force ravive les inquiétudes sur la répression transfrontalière contre les journalistes en Afrique de l’Ouest. RSF réclame “sa libération immédiate et des garanties contre ce type de pratiques à l’avenir”.
Aujourd’hui, le silence pesant des autorités ivoiriennes résonne comme un aveu. L’affaire Sossoukpè devient le symbole d’une liberté de la presse menacée, au-delà des frontières.