Franc CFA : un économiste togolais démonte les idées reçues

Dans un contexte marqué par une montée des discours anti-français en Afrique francophone, le franc CFA reste au cœur des polémiques. Mais pour l’économiste togolais Nettey Dodji Koumou, président de l’association « Veille économique », il est temps de recentrer le débat sur les réalités économiques plutôt que sur les symboles. Selon lui, de nombreuses idées reçues circulent autour de cette monnaie et du rôle de la France, au détriment d’une réflexion constructive.

La monnaie, en tant qu’instrument économique, n’est ni une panacée ni un frein automatique au développement. Pour le démontrer, M. Koumou cite plusieurs pays africains hors zone franc, comme le Ghana, le Nigeria, le Kenya ou l’Algérie. Chacun de ces États possède depuis des décennies sa propre monnaie nationale. Pourtant, ils figurent toujours parmi les pays à faible revenu. Il évoque notamment le Ghana, qui malgré sa souveraineté monétaire vieille de plus de 60 ans, détient aujourd’hui le plus haut niveau d’endettement au sein de la Cédéao. Un exemple qui, selon lui, relativise l’argument selon lequel quitter le CFA garantirait à lui seul le développement.

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Des réserves de change mal comprises

Autre source de confusion, souvent brandie dans les débats : les réserves de change des pays de la zone CFA déposées au Trésor français. Pour Nettey Dodji Koumou, il s’agit d’un malentendu persistant. Ces fonds, loin d’être « confisqués », sont mobilisés pour garantir les échanges extérieurs des États africains concernés. Ils permettent aux opérateurs économiques d’importer et d’exporter avec plus de fluidité, afin de faciliter des transactions internationales qui atteignent environ 7000 milliards de francs CFA. Loin d’un monopole français, la zone Uemoa dispose d’une trentaine de comptes d’opérations à travers le monde, notamment aux États-Unis, en Europe et en Asie, libellés dans plusieurs devises. La France ne constitue donc pas l’unique point d’ancrage de ces réserves.

Impression des billets : un service international

Concernant l’impression de la monnaie, là encore, l’économiste souhaite clarifier les choses. La France imprime certes le franc CFA, mais elle n’est pas seule dans ce domaine. Elle produit également la monnaie de plus de vingt autres pays à travers le monde, y compris des nations non francophones comme la Tunisie ou la Zambie. L’argument selon lequel cette externalisation serait un signe de dépendance exclusive à l’égard de Paris est donc, selon lui, largement exagéré.

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Sortir du populisme pour affronter les vrais défis

À travers ces clarifications, Nettey Dodji Koumou invite à dépasser les slogans faciles pour affronter les véritables défis du continent. Selon lui, la monnaie est un outil, mais ce sont les politiques publiques, la qualité de la gouvernance, la rigueur budgétaire et les choix économiques qui conditionnent le développement. S’en prendre au franc CFA, sans réflexion de fond sur les réformes internes, revient à se tromper de combat.

En définitive, il plaide pour un débat apaisé, argumenté et rationnel. À ses yeux, l’Afrique a besoin de lucidité et de rigueur dans sa quête d’émancipation économique, bien plus que d’hostilité mal informée. Une position qui appelle à repenser le développement, non pas à travers des symboles à abattre, mais par des leviers structurels à renforcer.

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