Après un congé forcé, les apprenants togolais sont de retour aux affaires. Avec grand bruit et des habitudes de fêtards, à la veille des examens tout de même. Ces élèves – naïfs ou inconscients pour la plupart – s’affichent déraisonnablement sur les réseaux sociaux, visages découverts, fesses en l’air, seins dehors, le tout sur fond de dépravation sexuelle dans les salles de classe et cour de l’école. Ces écarts de conduite, jusqu’ici inenvisageables à cause de leur caractère kafkaïen, laissent l’opinion publique bouche béante, et pour cause ! Mais avant de jeter la première pierre, il est séant de comprendre le pourquoi du comment, bien qu’aucune raison ne saurait légitimer ces actes malsains et contre nature.
Dans ce feuilleton scolaire qui n’a rien à envier à des films de pornographie (ou presque pas), faut-il soutenir que les torts sont partagés entre parents, enseignants et pouvoirs publics ?
Un mal au paroxysme
Avant le confinement, des ardeurs festives étaient observées ici et là en milieu scolaire sans toutefois provoquer l’abasourdissement général. On se souvient encore de ce don Juan qui a employé les grands moyens pour visiter sa petite amie à quelques mètres de son école, avec des liasses de billets et un collectif d’instrumentistes qui reprenait Mamadou et Bineta de Santrinos Raphael pendant que les deux tourtereaux se cajolaient à chaud.
Ouverture de la boîte de Pandore
Jadis, personne ne voyait venir le danger. Il était quasi impossible d’imager que ces actes isolés et moins graves, étaient en fait les devanciers d’une vague de comportements aberrants. Depuis la reprise des cours, des vidéos réalisées grâce à l’application « Lomotif » et distillées sur les réseaux sociaux montrent clairement des élèves (en tenue scolaire) s’adonner à la fellation, à l’exhibition des parties intimes de leur corps, aux embrassades et aux danses debout mimant l’acte sexuel, au non-respect de la distanciation sociale, à la consommation de l’alcool et des drogues, aux jeux de cartes, etc.
N’y a-t-il pas du laisser-aller ?
L’affirmative s’impose d’elle-même. Sur les images, on remarque une absence totale d’encadreurs. Les élèves sont libres de leurs mouvements, seuls dans les salles sans aucune restriction. Face à cette liberté liberticide, on peut s’interroger : le gouvernement n’a-t-il pas prévu d’encadrer dans les règles de l’art les élèves avant de fixer la date de reprise ? La négative inquiéterait, surtout que cela voudrait dire que les apprenants sont livrés à leur propre sort parce que la covid-19 est toujours dans la nature. Ces accointances accroissent la probabilité de contamination entre les écoliers, souvent sans bavettes.
Une tendance ubuesque et un suivisme extravagant
Ces comportements observés ces dernières semaines sont sottement importés, sans doute. Les écoliers en particulier et les jeunes togolais en général, ne comprennent pas jusqu’ici que la culture occidentale n’est pas la leur et se leurrent, hypothèquent leurs chances de réussite aux différents examens et compromettent aveuglément leur avenir.
« Challenge », disent-ils ? Mais, quelle est à la finalité de ses actes gratuits qui vandalisent l’honneur, la valeur et la dignité de ces jeunes ? Pourquoi passer du temps à s’exhiber sur les réseaux sociaux, alors que ces pratiques n’aideront en rien à réussir sa vie, encore moins les études ? Il est temps de prendre conscience car « qui ne veut pas subir les conséquences de ses fautes doit éviter d’en commettre », dit-on.
C’est d’ailleurs les réseaux sociaux qui ont joué en défaveur de Diane Rwigara, candidate disqualifiée de l’élection présidentielle au Rwanda. L’entrepreneure de 35 ans a vu des photos d’elle nue être diffusées sur internet. Bien qu’elle qualifie ces images de fausses et publiées dans le but de la discréditer, elle a été disqualifiée des élections, sans autre forme de procès, voyant ainsi ses rêves tomber à l’eau. Il est donc impératif d’éduquer les élèves et de les sensibiliser sur l’utilisation des outils numériques.
Il faut contourner le tabou
Au regard des derniers évènements, il est clair que les parents doivent converser avec les jeunes et adolescents à propos du sexe. La directrice de la Maison TV5 Monde, Mimi Bossou-Soedjede épouse cette idée : « Il faut ramener les enfants à la raison. Le désir est naturel mais il faut leur apprendre à le surmonter. Mais seulement, on met trop de tabous autour du sexe (…). Au moment de l’adolescence, l’enfant subit des changements hormonaux et c’est naturel. Il faut quelqu’un pour le canaliser. Il y a toute une pression surtout avec l’avènement des réseaux sociaux. Si l’enfant n’a pas la bonne information à la maison, la rue et les médias lui donneront la mauvaise ».
Une responsabilité partagée
Le vin est tiré, il faut le boire. Dans l’impossibilité d’imputer à un seul camp cette situation, il devient plus aisé de conclure que les responsabilités sont partagées. Les établissements doivent resserrer les boulons en employant par moments des méthodes drastiques, les autorités ont l’obligation de taper du poing sur la table, les parents doivent vigiler. Par-dessus tout, il est temps pour chaque élève de comprendre qu’aller à l’école, « c’est apprendre à lier le bois au bois (…) pour faire des édifices de bois », comme le disait Cheick Hamidou Kane dans L’Aventure ambiguë (1961). L’école n’est pas un lieu de strip-tease, encore moins de vagabondage. C’est là que se joue l’avenir de la nation. Bon sang ! Futurs leaders de demain, réveillez-vous de votre torpeur actuelle.
Augustin Akey et Elisée Rassan