Un dépôt bancaire, un retrait via son porte-monnaie électronique ou un acte administratif, requièrent la preuve de l’identité. Permettant de se prémunir de toute erreur sur la personne ou fraude, la preuve de l’identité est aujourd’hui facilitée par l’identification biométrique. En phase d’implémentation au Togo, cette dernière contribuera significativement à la mise en place des Systèmes de paiement instantané inclusifs (SPII).
« Plus de 400 millions d’adultes n’ont pas accès aux outils financiers dont ils ont besoin pour épargner, gérer leurs finances et renforcer leur résilience face aux incertitudes de la vie », déplore Dr Robert Ochola, président directeur général d’AfricaNenda. En octroyant un Numéro d’identification unique (NIU) à tous les individus, l’identification biométrique permet d’intégrer dans l’écosystème financier, des personnes exclues des paiements numériques. L’éclosion d’un écosystème de paiement numérique plus inclusif, accessible et abordable, peut donc se concrétiser grâce à l’identification biométrique des populations. Son apport à la mise en place des Systèmes de paiement instantané inclusifs peut se révéler significatif pour beaucoup de pays, notamment le Togo.
La biométrie : un outil fiable d’identification unique
Avec une population de plus de 8 millions d’habitants, le Togo illustre bien les lacunes actuelles. En décembre 2022, seuls 1,3 million de Togolais disposaient d’une carte nationale d’identité, tandis que 4,2 millions possédaient une carte d’électeur. Ces chiffres, publiés par la Direction générale de la documentation nationale (DGDN), révèlent une insuffisance criante de moyens d’identification formels. Face à cette situation, l’attribution d’un NIU est très utile pour le développement. C’est dans ce sens que le projet Wuri (“West Africa Unique Identification for Regional Integration and Inclusion”) est porteur d’espoir pour le Togo. Il propose d’attribuer un NIU à chaque résident, basé sur des données biométriques telles que les empreintes digitales, l’iris et la photo. Ces informations, complétées par des données personnelles comme le nom, la date de naissance ou le numéro de téléphone, sont stockées sur une carte biométrique. Ce système permet non seulement de prouver l’identité, mais aussi de faciliter les interactions avec l’administration, le secteur public et privé.
Le sociologue de la communication Dr Gnane Napo y voit une solution aux conflits d’identité au sein des communautés africaines où parfois les personnes ayant des descendants uniques portent les mêmes noms et prénoms. « Lorsque le citoyen en vient à profiter à travers ces numéros d’identification uniques des services que l’État peut lui rendre, cela contribue à développer davantage son sentiment d’appartenance et ça participe au mieux vivre social », affirme-t-il. Reposant donc sur des caractéristiques physiques uniques, l’identification biométrique offre un potentiel considérable, capable de catalyser l’implémentation des SPII au Togo. « L’identification biométrique permet d’identifier une personne. Tout en facilitant les transferts monétaires, elle vise essentiellement à toucher les populations vulnérables en améliorant l’inclusion financière », a expliqué l’expert en Economie numérique, Sam Adambounou.
Selon le Rapport SIIPS 2024 de la Fondation AfricaNenda, « les Systèmes de paiement instantané (SPI) sont des systèmes de paiement numériques multilatéraux de détail en boucle ouverte qui permettent d’effectuer des transactions numériques irrévocables ‘’push’’, de faible montant et en temps quasi réel et qui sont disponibles 24 heures sur 24, 365 jours par an ». Cependant, le Rapport reconnaît que sur le continent l’inclusivité des SPI reste incomplète, en particulier pour les populations rurales, souvent non bancarisées. Le NIU pourrait être un véritable levier pour changer cette donne.
Pour Rodger Voorhies, président de la division Global Growth & Opportunity de la Fondation Bill et Melinda Gates, « considérant que les paiements sont le service financier le plus utilisé en Afrique, [nous appelons] les acteurs du système financier à veiller à ce que chacun, y compris les populations mal desservies, ait la possibilité d’accéder à des solutions de paiement utiles et de prendre ainsi plus pleinement part au système financier ».
Inclusion financière : une nécessité économique et sociale
Au Togo, le taux d’utilisation des services financiers a atteint 87,1% en 2023, selon la ministre de l’Inclusion financière, Assih Mazameso. Les 12,9% restants, représentant une population souvent marginalisée, pourraient donc être intégrés grâce à la biométrie. De plus, le rapport de la BCEAO souligne que les transactions monétiques au Togo ont atteint 711 milliards de francs CFA en 2023, un chiffre impressionnant qui pourrait encore croître avec une meilleure inclusion. Réduisant les barrières liées à l’absence de documents administratifs, la biométrie va donc rendre plus inclusif l’accès aux SPII. Cette démarche renforcera ainsi l’inclusion des personnes non bancarisées.
Dr Ernest Addison, gouverneur de la Banque centrale du Ghana, déclare : « Les systèmes de paiement instantané inclusifs (SPII) …sont essentiels pour permettre la mise en place d’infrastructures publiques numériques qui relient les individus, comblent les distances, créent des opportunités et autonomisent nos communautés. »
Pour Robert Ochola, « garantir les systèmes de paiement instantané inclusifs pour tous les africains signifie construire des systèmes accessibles aux femmes, aux personnes à faible revenu et aux communautés rurales. », a-t-il rappelé lors de la présentation du Rapport 2024 sur les SPII à Accra au Ghana. Pour le Togo et d’autres nations africaines, investir dans l’identification biométrique et les SPII est plus qu’une ambition. C’est une nécessité pour un avenir durable, où chaque citoyen, indépendamment de sa situation géographique ou économique, pourra participer pleinement à la vie socio-économique du pays. La route est encore longue, mais l’élan est donné.
Par ailleurs, la biométrie réduit les risques de fraude grâce à des systèmes d’authentification sécurisés, renforçant la confiance des utilisateurs des SPI. « L’identification biométrique améliore les systèmes de paiement instantané en simplifiant l’expérience utilisateur. La biométrie assure la conformité aux réglementations (KYC, LBA). En s’intégrant aux technologies avancées, elle rend les paiements plus efficaces, accessibles et sûrs », précise Gabriel Adotévi, Expert du Mosip (Modular open source identity platform). Cependant, la mise en œuvre effective de ces technologies dépend d’une infrastructure robuste et des politiques inclusives.
Edy ALLEY – LENOUVEAU REPORTER – TOGO
Cet article a été rédigé dans le cadre de la Bourse de journalisme sur les IPN organisée par la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest, et financé par Co-Develop.