L’Afrique connaît une transformation numérique marquée par l’adoption croissante de la téléphonie mobile, même dans les régions reculées, l’innovation rapide dans le domaine des technologies financières et la croissance constante des infrastructures publiques numériques, telles que les systèmes de paiement interopérables et les cadres d’identification numérique. Ces tendances jettent les bases essentielles d’une croissance économique inclusive.
Pourtant, 400 millions d’Africains restent financièrement exclus, incapables d’accéder aux services financiers formels les plus élémentaires. Cette contradiction est non seulement inacceptable et intenable, mais elle risque également de renforcer les inégalités et de limiter l’impact de l’innovation. Combler ce fossé est essentiel non seulement pour le développement économique, mais aussi pour autonomiser les communautés, libérer la productivité et garantir que la révolution numérique touche tous, partout.
Comme l’a souligné la récente visite d’apprentissage entre pairs organisée par la Fondation AfricaNenda en collaboration avec le Système de règlement interbancaire du Nigéria (NIBSS), à Lagos, il est temps de dépasser la dépendance aux systèmes importés et de promouvoir des solutions de paiement africaines, conçues et gérées par des Africains, adaptées à nos réalités locales. Cet événement a réuni des acteurs clés de tout le continent pour apprendre, réfléchir et agir.

Un message récurrent tout au long des cinq jours du forum est que la voie vers l’inclusion financière en Afrique doit être pavée d’innovations locales ancrées dans les réalités locales. Si les technologies mondiales offrent des outils utiles, elles ne peuvent remplacer une compréhension approfondie de la diversité des paysages économiques, sociaux et réglementaires africains. Un véritable progrès nécessite des solutions conçues pour les Africains, par les Africains ; adaptées aux commerçants informels, aux langues locales, à la connectivité rurale et aux besoins des communautés sous-bancarisées.
Pourquoi le local est important
Les technologies importées peuvent offrir rapidité, mais ne garantissent pas nécessairement l’adéquation. Les systèmes financiers africains doivent tenir compte de nos économies informelles, de notre diversité linguistique, de nos lacunes en matière d’infrastructures et de notre ambition commune d’équité. Comme nous l’a rappelé le Dr Robert Ochola, PDG de la Fondation AfricaNenda : « L’Afrique peut construire ses propres systèmes et les rendre de classe mondiale. »

L’objectif n’est pas simplement de numériser, mais d’inclure. Cela implique de concevoir des systèmes en partant des marges et en veillant à ce qu’ils soient adaptés aux plus vulnérables, notamment les femmes, les jeunes et les personnes non bancarisées. Une véritable inclusion passe également par l’accès via USSD aux personnes dépourvues de smartphone. Cela implique de déployer des réseaux d’agents dans les zones reculées, de proposer des solutions hors ligne et des structures tarifaires qui protègent les plus démunis. Une véritable inclusion implique également d’instaurer la confiance, et pas seulement la technologie.
NIBSS : un modèle pour une innovation africaine évolutive et inclusive
Le système de règlement interbancaire du Nigéria (NIBSS) est depuis longtemps un pionnier dans le paysage des paiements numériques en Afrique et son parcours vient de franchir une nouvelle étape majeure.
Traitant près d’un milliard de transactions chaque mois, NIBSS est un système de paiement 100 % local qui fonctionne 24h/24 et 7j/7 avec une compensation en temps réel, une sécurité robuste et des fonctionnalités inclusives qui servent les banques, les fintechs et autres prestataires de services financiers.
Intrinsèquement, les plateformes NIBSS sont de conception robuste et permettent l’intégration par les banques, les fintechs, les opérateurs mobiles, les réseaux d’agents et d’autres fournisseurs de services financiers, garantissant ainsi l’accès aux personnes non bancarisées.
Ce qui rend le modèle NIBSS particulièrement inspirant pour les autres pays africains est sa conception locale, son alignement réglementaire profond et son évolutivité dans les secteurs formels et informels.
Lors de la visite d’apprentissage par les pairs, le NIBSS a dévoilé le National Payment Stack (NPS), une infrastructure de paiement interne de nouvelle génération qui s’appuie sur le succès éprouvé du système NIBSS Instant Payments (NIP).

M. le Premier ministre Oiwoh, directeur général et PDG du NIBSS, a décrit le NPS comme étant bien plus qu’une simple nouvelle plateforme, soulignant qu’il s’agit d’un investissement fondamental pour l’avenir financier du Nigéria. Il a insisté sur l’importance de développer des solutions pilotées par l’Afrique qui dépassent les cadres traditionnels et soutiennent le libre-échange grâce à une circulation financière fluide.
Il a également souligné la valeur de la collaboration réglementaire, attribuant au partenariat étroit du NIBSS avec la Banque centrale du Nigéria un facteur clé dans la fourniture d’une infrastructure de paiement fiable, efficace et prête pour l’avenir.
Plus qu’une simple nouvelle plateforme, le NPS est conçu pour approfondir l’inclusion financière, améliorer l’efficacité des paiements du secteur public et accélérer les progrès du Nigéria vers une économie numérique de 1 000 milliards de dollars.
La National Payment Stack (NPS) permet des paiements en temps réel avec règlement instantané et une messagerie conforme à la norme ISO 20022 pour un échange de données et une interopérabilité optimisés. Elle offre un environnement API sandbox permettant une intégration transparente par les banques, les fintechs et autres prestataires de services financiers. Ses principales fonctionnalités incluent la demande de paiement, le prélèvement automatique et un cadre intégré de validation KYC (Know Your Customer). Actuellement, le numéro de vérification bancaire (BVN) constitue l’identifiant de confiance principal ; d’autres identifiants, tels que le NIN (propulsé par la Commission nationale de gestion des identités) (NIMC), le numéro d’identification fiscale (TIN) et le numéro d’entreprise enregistré (RC) pourraient être utilisés pour renforcer l’authentification des utilisateurs et la conformité réglementaire.

La capacité d’identifier et de vérifier les utilisateurs de manière fiable est essentielle au succès des services financiers numériques inclusifs. L’intégration de cadres d’identité tels que le NIN au Système national de paiement (NPS) marque une étape cruciale dans l’élargissement de l’accès aux services financiers. En permettant une validation (KYC) transparente et sécurisée, cette synergie contribue à intégrer davantage de Nigérians dans l’écosystème financier formel, en particulier ceux des secteurs mal desservis ou informels, soutenant ainsi les objectifs nationaux d’inclusion financière et de participation économique.
En intégrant les paiements, l’identité et les données dans une seule plateforme intelligente, le NPS permet une expérience financière plus sûre, transparente et inclusive pour les Nigérians ordinaires ; des commerçants et micro-entrepreneurs aux fonctionnaires et aux consommateurs ruraux.
NPS est également compatible avec plusieurs devises, compatible avec le transfrontalier et équipé d’outils automatisés de résolution des litiges et de détection des fraudes combinant rapidité, sécurité et confiance des utilisateurs.
Le NPS est un excellent exemple de la manière dont les compétences locales peuvent être développées et exploitées pour créer de la valeur économique et souligne également le fait que la décision de construire en interne mérite une réflexion sérieuse, en particulier compte tenu de ses avantages à long terme.
Le défi lancé par le Premier ministre Oiwoh au secteur était clair : « En matière de disponibilité, 99,9 % ne suffit pas. Ce 0,1 % peut être critique, voire bouleversant. Pour nous, le seul indicateur de performance clé acceptable est 100 %. »
Ce niveau d’ambition exige non seulement un accès numérique, mais aussi une fiabilité numérique et fait écho à la mission de la Fondation AfricaNenda.
Fondation AfricaNenda : un partenariat pour un impact
La Fondation AfricaNenda a pour mission d’accompagner les pays dans la mise en place de systèmes de paiement instantané inclusifs (SPI). Nous n’apportons pas de modèles, mais de la considération, de l’expérience et de l’engagement. Notre rôle est de soutenir la conception technique, de renforcer les cadres réglementaires et de fédérer des communautés de pratique où les pays peuvent apprendre les uns des autres.
La visite d’apprentissage entre pairs à Lagos a réuni des dirigeants représentant plus de 20 pays africains, dont l’Eswatini, la Somalie, le Togo, la Guinée, le Libéria, Madagascar, le Soudan du Sud et d’autres. Mais il ne s’agissait pas seulement d’une visite technique ; c’était le début d’un projet plus vaste.
Cette réunion a marqué un engagement collectif en faveur d’une vision panafricaine : construire des systèmes de paiement instantané évolutifs, interopérables et inclusifs, répondant aux besoins réels des populations du continent. Du partage d’expériences nationales à l’exploration de défis communs, l’énergie présente dans la salle reflétait une conviction partagée : l’Afrique peut et doit être le fer de lance de son propre avenir financier numérique.
Un appel à l’action
La Fondation AfricaNenda et le NIBSS conviennent qu’il est temps de démanteler les barrières artificielles et les cloisonnements juridictionnels. À cette fin, nous faisons écho à la proposition de M. Musa Jimoh, directeur de la politique des systèmes de paiement à la Banque centrale du Nigéria (CBN), d’organiser un forum des régulateurs africains sur les systèmes de paiement instantané. Une telle plateforme permettrait d’harmoniser les normes, de renforcer la confiance et de catalyser l’innovation collaborative au-delà des frontières.
Ne confondons pas numérisation et inclusion. N’acceptons pas 99,9 % alors que 100 % est la norme que nos citoyens méritent. Construisons des systèmes qui reflètent nos réalités, respectent notre diversité et répondent à nos ambitions.
Comme l’a écrit Chinua Achebe : « Le monde est comme un masque qui danse. Pour bien le voir, il faut changer de lieu. »
Avançons ensemble. Construisons avec audace. Allons loin.
Par le Dr Robert Ochola, PDG de la Fondation AfricaNenda et le Premier ministre Oiwoh, directeur général/PDG du NIBSS