Plus personne n’est épargné. Alors que le Togo frise 40 cas confirmés au covid-19, le gouvernement décrète un état d’urgence accompagné d’un couvre-feu. Bien avant que la lutte contre la pandémie engendrée par le coronavirus ne prenne cette allure, les précautions prises par l’Etat ont véritablement freiné les activités routières. Des chauffeurs sont bloqués à la gare routière d’Agbalépédogan. Leur prière, c’est de rejoindre leur famille. La station est devenue, depuis un certain temps, le domicile par défaut des conducteurs. Le ralentissement des affaires dans le milieu n’affecte pas que les chauffeurs. Les commerçant(e)s environnant(e)s peuvent aussi témoigner de la chute de leur chiffre d’affaire.
Traditionnellement, les vendredis et samedis, la gare routière d’Agbalépédogan est témoin d’une forte affluence. Plusieurs passagers se dirigeant vers l’intérieur du pays sont au rendez-vous. Malheureusement, la semaine dernière, l’ambiance à la gare était plutôt morose. La zone était calme. Seulement quelques véhicules chargés de bagages étaient sur les lieux. Les rares commerçants assis devant leurs marchandises semblaient être abattus par la situation. Tout est à l’arrêt. Et comme on ne peut rester les bras croisés, certains conducteurs, privés de leurs voitures, s’offrent quelques minutes de distraction. Jeu de Ludo par ici, groupes de discussions par là. A quand notre libération, se demandent-ils ?
Comme le constate, Togo presse, le bouclage de certaines villes comme Lomé, Tsévié, Kpalimé et Sokodé a réduit la circulation des personnes. Des transporteurs étaient encore en cours de route lorsque le gouvernement a pris des mesures contre la propagation du virus. Rattrapés, ils ne peuvent plus faire demi-tour. Ils ne cachent pas leur envie de regagner leur domicile et rejoindre leur famille. Pas facile à supporter.
« Depuis dimanche, j’ai quitté Bassar pour Lomé, on devrait retourner lundi soir. Mais au moment du retour, la route a été bloquée au niveau du péage. Depuis mardi, nous sommes toujours à la même place. Nous mangeons difficilement, nous ne savons où dormir. Nous demandons pardon à l’Etat de voir notre situation pour nous faciliter les voies d’entrée chez nous. Nos passagers se sont dispersés sans payer, c’est difficile pour nous », raconte un chauffeur.
Lire également : Lutte contre le coronavirus : la journée de travail dans l’administration togolaise est réajustée
La situation est critique, les chauffeurs le savent. « Nous sommes conscients que la maladie existe. Maintenant, nous transportons uniquement que des marchandises, respectant les mesures prises par le gouvernement pour contrer le Coronavirus », rappelle un délégué syndical. Mais, le problème selon le délégué, c’est le fait d’être bloqué à la station. « Présentement à la gare ici, les gens sont nombreux. Certains sont des étrangers et sont de passage comme nous. Avant que le gouvernement ne prenne cette décision de bouclage, il fallait un préavis de 72 heures au moins. Nous nous sommes réveillés un matin et on nous dit qu’il n’y a plus de circulations interurbaines. Les gens étaient obligés de rester sur place pendant trois jours sans se laver. Certains viennent du Ghana, du nord du pays et d’ailleurs. Ils ne connaissent personne à Lomé. C’est surtout ce côté que l’Etat doit essayer de voir. Au moins s’il pouvait faire quelque chose à notre niveau, pour que les gens puissent se déplacer, nous applaudirions », a-t-il déclaré. A son avis, les conducteurs sont déjà résolus à ne plus prendre plus de trois passagers. Tous les conducteurs étaient d’avis pour cette alternative de crise quand « tout le monde a été surpris par la décision du gouvernement. Je souhaite vivement qu’on revoie ce problème, en mettant, par exemple, les agents de sécurité à la gare pour détecter d’éventuels malades et laisser les autres voyager. Ce serait une bonne chose pour continuer nos activités », a-t-il suggéré. Selon le délégué syndical, « le transport des marchandises est autorisé. Mais pour transporter les bagages, il faut enlever les sièges et ne laisser que deux places pour le chauffeur et son apprenti. Dans ces conditions, le véhicule doit être complètement chargé avant de sortir, car sans bagages aucun véhicule ne sort et les agents de sécurité sont postés à la sortie de la gare pour le contrôle strict », explique-t-il.
Les activités commerciales paralysées
Outre les conducteurs, les commerçants de la gare routière et ses environs sont aussi touchés. Dame Akuvi, revendeuse de petits poissons n’a rien vendu depuis 3 jours. Masque en pagne au nez et à la bouche pour se protéger, elle se plaint : « Si l’Etat ne prend pas des dispositions pour assister les commerçants les plus fragiles, nous allons mourir de faim. Coronavirus a bloqué toutes nos activités ».
Nadibou, propriétaire de la cafétéria « la Liberté », ne dira pas le contraire. « Ça ne va pas. Nous vendions d’habitude 35000 FCFA environ par jour. Présentement, nous vendons à peine 7000F par jour, rien ne marche. Je risque même de fermer. Les employés qui m’aident à travailler, je n’arrive pas à les payer ; tout est bloqué et rien ne bouge. On demande le secours de l’Etat », lance-t-il avant d’ajouter : « Tous ces gens que vous voyez assis là-bas sont des chauffeurs. Ils sont bloqués à la station et ne savent pas où dormir. Beaucoup n’ont pas d’argent. Je leur vends les choses à crédit. Car, pour la plupart, nous nous connaissons il y a plus de 10 ans. Nous sommes devenus des amis et je ne peux pas les laisser mourir de faim, parce qu’ils n’ont pas d’argent. Mais combien de temps cela va durer ? Moi aussi j’achète à crédit », renseigne-t-il.