Donis AYIVI, Consultant en communication et en Gouvernance démocratique / Chef du dépt Médias & RP à SIGMA CORPORATION
Alors que les populations cibles sont déjà inondées de messages publicitaires à longueur de journée, les campagnes de communication en santé publique se fondent dans la masse, mais arrivent à s’en sortir que grâce à ses stratégies propres. Elles ne visent pas à vendre, mais à aider et à influencer les comportements pour la prévention individuelle ou collective.
En effet, la communication en santé se définit comme l’étude et l’utilisation de stratégies de communications interpersonnelles, organisationnelles et médiatiques visant à informer et à influencer les décisions individuelles et collectives propices à l’amélioration de la santé.
Elle s’exerce dans des contextes multiples : relation patient-prestataire de services ; recherche d’informations sur la santé par un individu ou un groupe ; adhésion d’un individu ou d’un groupe à un traitement ou à des recommandations spécifiques ; élaboration de campagnes de sensibilisation destinées au grand public ; conscientisation aux risques pour la santé associés à des pratiques ou à des comportements spécifiques ; diffusion dans la population d’une certaine représentation de la santé ; diffusion de l’information relative à l’accessibilité aux soins de santé ; communication auprès des décideurs afin qu’ils modifient l’environnement, etc.
Depuis le début de la pandémie liée au coronavirus, les gouvernements ont mis en place une veille scientifique sur toutes les mesures de prévention qui ont été efficaces pour protéger contre des virus du même type. Ils se sont également basés sur les mesures qui ont été prises par certains autres pays subissant cette pandémie ainsi que les recommandations de l’OMS et ce pour avoir une communication cohérente entre les différents pays.
La présente chronique est inspirée de ces trois questions posées à un comédien français :
Q1 : Pourquoi se vaccine-t-on contre la variole ?
R : Pour ne pas attraper la variole.
Q2 : Pourquoi se vaccine-t-on contre la tuberculose ?
R : Pour ne pas avoir la tuberculose.
Q3 : Et enfin pourquoi se vaccine-t-on contre la Covid-19 ?
R : Euhh, ah oui euuh (un peu hésitant), c’est pour pouvoir aller au restaurant, au cinéma en fait.
Les fondamentaux de la communication en santé
Après avoir visualisé cette vidéo de 30 secondes, je me suis rendu compte que l’approche communicationnelle la plus conseillée en la matière se voit, aujourd’hui, biaiser. Selon Vicki S. Freimuth et Sandra Crouse Quinn, la communication en matière de santé peut viser divers objectifs : accroître les connaissances et la sensibilisation du public à un problème de santé, influencer les comportements et les attitudes à l’égard d’un problème de santé, démontrer des pratiques saines, démontrer les avantages des changements de comportement sur les résultats de santé publique, défendre une position sur une question ou une politique de santé, accroître la demande ou le soutien des services de santé, s’opposer aux idées fausses sur la santé.
Pour arriver à atteindre ces objectifs, l’approche pédagogique a toujours été plus privilégiée. Lorsque l’on communique sur un sujet de santé publique, la prévention est le mot d’ordre. Pour que des messages de prévention soient efficaces et conduisent à un changement dans les habitudes et comportements de la population, il est important de faire usage de la pédagogie.
En effet, plutôt que d’informer sur les risques de tel ou tel problème, l’information principale fournie doit concerner les moyens de prévention, c’est-à-dire la solution apportée pour éviter ce risque. Dans le cas du coronavirus, des messages de prévention ont été diffusés notamment sur les gestes barrières. Car ces derniers sont très importants pour éviter la propagation du virus.
Pour faire passer ces messages, les acteurs se sont appuyées sur l’approche pédagogique (avec des images et vidéos…), puisque l’objectif a été d’accompagner la population à changer leur comportement pour éviter la propagation du virus.
Il faut souligner que la modification du comportement humain suit généralement un processus progressif dont il faut tenir compte dans toute intervention de communication qui vise au changement de comportement.
Aussi, les messages de communication sont-ils amenés à évoluer en fonction de la rapidité de l’évolution de la pandémie. Pour Covid-19 dans presque tous les pays, après les gestes barrières, c’est « restez chez vous », puis « faites-vous vacciner ». Mais la réticence des populations vis-à-vis des vaccins a conduit à un changement d’approche.
Une approche axée sur les centres d’intérêt
La nouvelle stratégie de communication pour le changement de comportement (CCC) en cette période Covid-19 met en avant les centres d’intérêt des différentes cibles (populations). C’est justement la dernière réponse du comédien dans la vidéo transcrite plus tard.
Q3 : Et enfin pourquoi se vaccine-t-on contre la Covid-19 ?
R : Euhh, ah oui euuh (un peu hésitant), c’est pour pouvoir aller au restaurant, au cinéma en fait.
C’est une réponse assez drôle en l’écoutant, mais elle met en lumière une réalité évidente. Celle de la nouvelle stratégie des pays pour une mobilisation maximum en faveur de la vaccination en vue d’une immunité collective qu’ils recherchent tant.
A l’évidence, dès ce lundi 6 décembre, les personnes non-vaccinées en Italie de la péninsule ne pourront plus aller au cinéma, au théâtre, à des concerts ou à de grands événements sportifs. Cette nouvelle décision italienne, qui n’est qu’un remake, est due au rebond des contaminations au coronavirus comme c’est le cas dans d’autres pays européens. Le comble, ce sont des amendes qui sont infligées aux contrevenants.
Même son de cloche en France ce lundi où le Premier ministre Jean Castex a présenté les nouvelles mesures sanitaires pour contrer la 5è vague de Covid-19. Les contrôles renforcés du pass sanitaire reste la mesure phare.
C’est aussi, le cas dans des pays africains. Par exemple au Togo, l’accès aux lieux de culte sera conditionné, à partir du 10 décembre prochain, par la présentation d’un pass vaccinal ou d’un test PCR négatif de 72h.
C’est la dernière stratégie trouvée et portée par une communication active en cette période de Covid-19. La communication en santé axée sur la pédagogie a, donc, cédé place celle axée sur les habitudes et centres d’intérêt des populations. Ce changement de paradigme est, par ailleurs, dû au fait que les stratégies mises en place n’ont pas fidèlement abouti aux résultats escomptés, c’est-à-dire au changement de comportement pour une adoption volontaire des nouvelles habitudes. Le processus de changement de comportement qui comprend six (06) étapes n’a pas reçu l’assentiment général, même s’il n’a jamais été linéaire. Les phases de prise de conscience, d’approbation et d’exécution ont eu du mal à prendre corps dans les habitudes individuelles et collectives.