A l’initiative du Consortium des journalistes professionnels africains pour le renforcement des relations sino-africaines (CJPASA), un webinaire tenu, ce 27 mai dernier, s’est penché sur un sujet aussi stratégique que sensible : les investissements chinois en Afrique. Une centaine d’experts ont participé à cette conférence en ligne.
Journalistes, économistes, chercheurs et représentants institutionnels ont confronté leurs analyses autour du partenariat sino-africain. « Il ne suffit pas d’accueillir des capitaux, encore faut-il en maîtriser les effets », a averti en ouverture Médéric Beugré, président du CJPASA et journaliste d’investigation chevronné.
Il a rappelé que les relations sino-africaines ne se développent pas en vase clos, mais dans un contexte de rivalité géopolitique accrue, notamment entre la Chine et les États-Unis. Pour lui, l’Afrique doit sortir de sa posture de spectatrice pour devenir actrice de son destin : « Il faut que les États africains exigent des transferts de compétences, une implication réelle des entreprises locales et une vision souveraine des projets. »
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Ce regard critique n’occulte pas les réalisations chinoises sur le continent, notamment des routes, barrages, infrastructures numériques. Mais, il en souligne les zones d’ombre : opacité des accords, faibles retombées locales, dépendances économiques naissantes.
Le rôle clef des médias africains
Autre temps fort de la rencontre : l’intervention de Kouassi Assouman, Sous-directeur du développement de la presse à l’ANP, qui a insisté sur la responsabilité des journalistes. « Notre mission, a-t-il rappelé, est d’éclairer les opinions publiques, de porter les attentes des peuples, et de veiller à ce que les investissements étrangers servent réellement au développement. » Un appel à une presse libre, vigilante et constructive, capable de décrypter les logiques d’influence et de relayer les voix locales.
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Des voix pour nuancer, d’autres pour alerter
Plus nuancé, l’économiste sénégalais, Magaye Gaye, a salué l’utilité du Forum sur la Coopération sino-africaine (Focac), qu’il considère comme « un espace de dialogue équitable » et un levier pour harmoniser les intérêts. Quant à Dr. Onana N. Fabrice, historien, il reconnaît le rôle crucial de la Chine dans des secteurs névralgiques tels que l’énergie et les télécommunications, tout en mettant en garde contre « une dépendance insidieuse qui pourrait à terme priver les pays africains de leur autonomie stratégique. »
Enfin, des journalistes comme Gérard Ayiagnigni du Cameroun ou Ebrokié Ehouan Aka César de la Côte d’Ivoire ont insisté sur l’urgence de refonder cette coopération sur le principe du « gagnant-gagnant », en exigeant transparence, retombées locales, et participation active des acteurs africains.
Une volonté commune de rééquilibrage
Animée par la journaliste congolaise Ruth Kutemba, la rencontre a mis en lumière un consensus : le partenariat sino-africain doit être rééquilibré. Pas dans un esprit de rupture, mais de lucidité constructive. L’enjeu n’est pas de rompre avec la Chine, mais de faire de cette relation un véritable moteur de développement endogène.
Le CJPASA, actif dans quinze pays, entend prolonger ce débat à travers d’autres rencontres. Loin des slogans diplomatiques, ce webinaire marque un tournant : celui d’une Afrique qui veut négocier d’égal à égal, défendre ses intérêts, et construire un avenir à la mesure de ses ambitions.