Récépissé N° 0010 / HAAC / 12-2020 / pl / P

Cartes bancaires et cartes prépayées : deux usages, deux logiques dans l’écosystème monétique de l’Uemoa

En Afrique subsaharienne où l’argent liquide demeure ancré dans les pratiques quotidiennes, un bout de plastique rectangulaire redessine désormais les habitudes financières de millions d’Africains. Entre la carte bancaire adossée à un compte et la carte prépayée, porte-monnaie électronique, deux mondes monétiques se côtoient, se complètent et parfois s’opposent. Plus qu’une différence de technologie, les deux cartes racontent l’évolution silencieuse de l’Uemoa vers une économie davantage inclusive.

D’après le dernier « Tableau de bord de la monétique régionale 2023 » de la Bceao, l’Uemoa compte 8 004 173 cartes en circulation à fin 2023. Parmi celles-ci, 6 338 017, soit 79,2 % sont adossées à un compte bancaire, tandis que 1 666 156, soit 20,8 % sont des cartes prépayées.

Cartes bancaires “classiques” — l’option reliée au compte

Les cartes bancaires attachées à un compte sont les instruments les plus classiques. À chaque retrait, paiement par terminal ou achat en ligne, c’est le compte bancaire qui est débité. Elles permettent un accès fluidifié aux Guichets automatiques bancaires (GAB) ou aux Terminaux de paiement (TPE), et donnent généralement accès à un ensemble de services bancaires (relevés, historique, etc.). Elles s’adressent prioritairement aux individus disposant déjà d’un compte, qu’il s’agisse d’un compte courant, d’épargne ou autre, et qui cherchent à gérer leurs flux financiers de manière “classique”.

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Ce type de cartes constitue donc la norme pour les usagers bancarisés. Dans l’Uemoa, leur nombre monte constamment : le rapport sur les infrastructures de marchés financiers 20222 – 2023, note une progression globale des cartes en circulation de près de 8 % par rapport à l’année précédente.

Cartes prépayées — un porte-monnaie électronique sans compte

À l’inverse, la carte prépayée fonctionne comme un porte-monnaie à part entière. Elle n’est pas rattachée à un compte bancaire. L’utilisateur “précharge” la carte par virement, dépôt d’argent ou autre moyen, puis utilise les fonds disponibles. Elle permet aussi bien des paiements chez les commerçants que, selon les cas, des retraits aux GAB. Cette solution est particulièrement pertinente pour les personnes non bancarisées, celles qui ne souhaitent pas ouvrir un compte, ou qui cherchent un moyen simple, flexible, et sans engagement bancaire.

Dans l’Uemoa, la proportion de cartes prépayées a légèrement augmenté, ce qui peut illustrer un intérêt croissant pour des moyens de paiement plus accessibles, notamment pour des populations exclues du système bancaire classique.

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Pourquoi cette distinction importe-t-elle ?

La distinction entre ces deux types de cartes a des implications fortes, tant en termes d’inclusion financière que de sécurité, d’usage et d’accessibilité.

  • Pour un acteur bancaire ou un régulateur, encourager les cartes prépayées peut aider à intégrer des populations non bancarisées dans le circuit monétique, sans les contraindre à l’ouverture d’un compte.
  • Pour un utilisateur, la carte prépayée offre une simplicité et une maîtrise des dépenses (on dépense ce qu’on a chargé).
  • Pour ceux déjà bancarisés, la carte adossée garantit une continuité avec les services bancaires, un historique, et une flexibilité plus grande (retraits, paiements élevés, gestion du compte).

Dans l’espace Uemoa, la coexistence de cartes bancaires “classiques” et de cartes prépayées témoigne d’un effort de modernisation de la monétique, tout en prenant en compte la diversité des profils d’usagers, notamment bancarisés ou non. Les chiffres de la Bceao montrent que, si la majorité des cartes restent liées à des comptes bancaires, une part non négligeable (près d’un sur cinq) est consacrée à des solutions prépayées. Cette dualité de l’offre monétique constitue un levier essentiel pour l’inclusion financière et la transition vers des paiements moins dépendants de l’argent liquide.

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