En plein bouleversement planétaire, une inédite édition de la Biennale de Danse de Lyon tient bien toutes ses promesses. Adaptation, réinvention et inclusion… au rendez-vous d’un festival qui – malgré tout – renouvelle avec charme, l’éclat inégalé que le monde entier reconnait à la terre lyonnaise dans le domaine de la danse ! Cette 19ème biennale initialement prévue en septembre 2020 a fini par se dérouler du1er au 16 juin 2021. Retour !
Ouf ! Ça s’est bien passé ! Dominique Hervieu, sa directrice, y a cru jusqu’au bout et elle a eu raison. La 19ème Biennale de la danse de Lyon a bien démarré le 1er juin comme prévu avec par une proposition sur l’eau sans eau de Camille et Robyn Orlin au théâtre antique de Fourvière.
La rencontre entre la chanteuse française atypique et l’ « irritation permanente » (le surnom donné à Robyn Orlin dans son pays, l’Afrique du sud) a fait plop comme les bulles de savon qui disparaissent au contact du sol ! C’est plutôt la vapeur au contact du feu qui caractérise la création de Qudus Unikeku, « Re-Incarnation » présentée à la fin de la 1ère semaine !
Électrique et électrisante, elle a mis le feu au Radiant-Bellevue, une salle à Caluire avec son afro-beat endiablé et une partition chorégraphique ébouriffante. Les 10 interprètes qui composent la compagnie de ce chorégraphe invité au premier pavillon nigérian de la Biennale de Venise 2017 sont étourdissants, à la fois de virtuosité et d’énergie explosive et communicative.
Tandis que la musique de Olatunde Obajeun dialogue en permanence avec les danseurs et danseuses. En puisant dans ses racines yoruba autant que dans le groove de Lagos, il donne à voir « les profondeurs de la culture noire, sa joie intransigeante », une exubérance rageuse mais aussi des blessures, des mémoires enfouies. C’est un cri de joie mais aussi d’alarme que lance la jeunesse africaine !
À l’instar de la pièce de la jeune chorégraphe française Flora Détraz qui met en scène 4 jeunes femmes dans un quatuor aussi drolatique que grinçant, Muyte maker (une ancienne expression flamande signifiant « faiseur de trouble » et muyte signifiant cage à oiseau). Enchaînées par leur natte aux cimaises, elles explorent les interactions entre voix et mouvement, à partir de polyphonies médiévales grivoises et scabreuses, interrogeant ici la féminité et la place du corps dans la société.
Profondément réjouissant en dépit de son tragique latent, ce spectacle réglé au cordeau malgré son univers foutraque augure une chorégraphe à suivre, assurément ! Serge Aimé Coulibaly est fidèle à lui-même, creusant son sillon d’une dansée engagée et rageuse avec « Wakatt », une réflexion sur la peur emmenée par 10 interprètes impeccables.
Euripides Laskarides itou qui déballe son imaginaire débridé et complètement déjanté où se croisent une grande dame en robe à panier et d’improbables créatures hybrides dans un joyeux capharnaüm aussi bien musical que visuel.
Mais le spectacle qui restera dans les annales de cette biennale, c’est assurément « Mal-Embriaguez Divina » de la chorégraphe capverdienne Marlene Monteiro Freitas.
9 interprètes de conformations diverses examinent la figure du mal avec un brio magistral pendant 1h45, construisant et déconstruisant un espace et fabricant une multitude d’images incroyables. Le burlesque et le tragique se côtoient en se nourrissant l’un et l’autre, et le public ressent à la fois plaisir et frisson, joie et tristesse !
On retiendra également l’expérience Fagor, un week-end foisonnant qui renouvelle l’esprit de la manifestation en la rendant plus accessible. C’est ainsi que l’ancienne usine de lave-linge a accueilli 7200 spectateurs et spectatrices ravi(e)s de découvrir gratuitement des univers très différents.
De la proposition de Christophe Haleb, bouleversante immersion dans les visions de la jeunesse d’aujourd’hui à la formidable conférence dansée de Nach sur le KRUMP en passant par l’étourdissant Apaches de Saïdo Lehlouh ou le très amusant Loto 3000 du Collectif ES, le public a pu se laisser porter par un fourmillement de danses qui fait un bien fou en ces temps de bouleversement planétaire. Bravo et merci !
Une contribution de Gallia Valette-Pilenko, journaliste de danse vivant et travaillant à Lyon
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