« Le risque que nous voyons de plus en plus est celui de voir ce qui se passe au Sahel se transférer aux pays côtiers », déclarait il y a quelques jours au Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique le Tchadien Annadif Mahamat Saleh, représentant spécial chargé du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (ONU-UNOWAS).
Les risques sont là évidents, et les faits ne le sont pas moins et l’attestent. Les récentes attaques au nord du Togo et du Bénin n’étaient pas de simples tests de jihadistes cherchant à palper éventuellement le terrain. Non, c’est plutôt des gestes et faits concrets, preuves d’une avancée macabre que nos gouvernants, flairaient, soupçonnaient et voyaient venir depuis. Et ils en ont sonné le tocsin qui a faiblement retenti peut-être.
Mais, le moment est plus que jamais arrivé pour nos pays du littoral, tous les citoyens autant que nous sommes, de comprendre que le transfert, la contagion, mieux encore, la métastase a commencé. Et ce d’autant que les propos de hauts responsables interrogés au forum de Dakar par nos confrères de l’AFP, tendent à montrer purement et clairement que le danger est vraiment là.
« Cela n’a fait que commencer, cela va continuer, cela va s’accélérer », a confié un haut-responsable africain sous couvert d’anonymat à l’AFP. Également sous couvert d’anonymat, un autre de renchérir : « La métastase a commencé et probablement plus qu’on ne le sait, et plus que les autorités de ces pays seront prêtes à l’admettre, en tout cas publiquement ».
C’est largement suffisant pour prendre la mesure de la chose. Et surtout d’inviter toutes les filles et tous les fils des pays du littoral : Bénin, Togo, Cote d’Ivoire…que savons-nous encore, comme l’a fait le Général De Gaulle en son temps depuis Londres, que le dernier mot sera jamais dit ; l’espérance ne doit jamais disparaître, la défaite ne sera jamais définitive….aussi longtemps que le dernier jihadiste ne sera neutralisé.
Nos Etats ne doivent pas oublier surtout de tirer des leçons de la riposte sahélienne face au mal et de réajuster nécessairement et obligatoirement. Car, l’un des sacrés enseignements tirés de ce qui se passe au Sahel est que les moyens militaires constituent juste un moyen parmi des milliers pour affronter le phénomène.
« Dans le Sahel, on s’est concentré sur la lutte contre le terrorisme par des moyens militaires pour éliminer des cibles en oubliant qu’elles peuvent se régénérer, alors que prévenir c’est s’attaquer aux causes structurelles », regrette Bakary Sambe directeur régional du Timbuktu Institute. Et son compère, Alain Antil, directeur du centre Afrique subsaharienne de l’Ifri n’en dit pas mieux : « La violence est la phase finale du cycle de l’implantation », avant d’expliquer : « Quand on la voit éclater, en réalité, ils sont là depuis au moins un an, ils ont essayé de trouver des alliés. Ils ont étudié la zone, vu ses fragilités, les ressentiments entre certaines communautés ou envers l’Etat central ».
Il est alors clair qu’il faut poursuivre, intensifier, renforcer les actions militaires comme entre autres : l’opération anti-terroriste conjointe «Koudanlgou 4» entre le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Togo et le Ghana ; l’initiative d’Accra lancée en 2017 par le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo ; La première Loi de programmation militaire adoptée par le Togo, etc.
Mais, il est plus qu’évident que cette guerre asymétrique a un autre terrain de bataille aussi rude et rugueux que le terrain militaire : c’est le terrain des réponses structurelles urgentes comme des réponses économiques, sociales, judiciaires aux problèmes de certaines populations.