Récépissé N° 0010 / HAAC / 12-2020 / pl / P

Accord Ghana–États-Unis : des expulsés ouest-africains abandonnés au Togo témoignent

Le Ghana ne se contente plus de renvoyer les Togolais sans papiers qui tentent de traverser sa frontière. Le pays voisin est aujourd’hui un point de transit pour les États-Unis qui veulent se débarrasser des immigrés « indésirables ». Des ressortissants ouest-africains, expulsés par les États-Unis et renvoyés vers le Ghana, se retrouvent désormais livrés à eux-mêmes sur le sol togolais, et ce, sans aucun document d’identité. 

Tout a commencé en début de mois de septembre, lorsque le président ghanéen John Mahama a révélé l’existence d’un accord avec Washington pour accueillir des expulsés de la sous-région. Depuis, huit à dix ressortissants d’Afrique de l’Ouest ont été renvoyés de force du Ghana vers le Togo, à travers un passage non officiel, et sans aucun passeport. Une situation qui illustre le dernier épisode du grand programme d’expulsions mis en œuvre sous la présidence de Donald Trump.

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Selon l’AFP, un Nigérian, qui préfère utiliser le pseudonyme de Benjamin pour préserver son identité, a confié que « la situation est terrible ». Il explique être hébergé dans une chambre d’hôtel avec trois autres personnes, partageant un seul lit et survivant grâce à l’argent envoyé par leurs familles restées aux États-Unis. Il raconte qu’un juge avait pourtant décidé en juin qu’il ne pouvait pas être expulsé vers le Nigeria, car sa vie y serait en danger en raison de ses activités politiques passées. Il s’attendait donc à être libéré pour rejoindre sa femme et ses enfants, citoyens américains. Benjamin ajoute que des agents de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) l’ont roué de coups après son refus de monter à bord d’un avion militaire qui l’a conduit au Ghana.

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Au total, jusqu’à 28 personnes seraient arrivées au Ghana à ce jour. Un premier groupe de 14 personnes a été accueilli début septembre. Selon Reuters, un second avion a atterri depuis, mais le nombre de passagers à bord n’est pas certain. Des avocats ont confirmé que les quatorze premiers expulsés avaient bénéficié de décisions de tribunaux américains interdisant leur renvoi dans leur pays d’origine en raison de risques de persécutions. Mais Washington les a quand même envoyés au Ghana via une faille juridique. Accra, pour sa part, avait clairement indiqué que les personnes seraient renvoyées dans leurs pays d’origine.

Une vie de clandestinité au Togo

Benjamin et un autre expulsé, un Libérien du nom d’Emmanuel (pseudonyme), ont passé plus de deux semaines sous la surveillance de militaires au camp de Dema, près d’Accra, en compagnie de neuf autres expulsés. Ils ont dû endurer la chaleur, les piqûres de moustiques et un accès très limité à l’eau potable. Selon leurs témoignages, ils ont ensuite été conduits au poste-frontière d’Aflao et, avec l’aide des autorités togolaises, transférés de l’autre côté de la frontière, en dehors de toute procédure officielle.

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« Nous vivons dans la clandestinité, car nous n’avons aucun document d’identité », a confié Emmanuel. Ce dernier avait fui la première guerre civile du Liberia dans les années 1990 et obtenu l’asile aux États-Unis. Il était titulaire, comme Benjamin, d’une carte de résident permanent et était marié à une citoyenne américaine. Ils ont été placés en détention par l’ICE après avoir purgé des peines de prison pour des délits distincts liés à des fraudes.

Un Gambien bisexuel, par exemple, a été renvoyé dans son pays par les autorités ghanéennes. Il vit aujourd’hui caché, les relations homosexuelles étant criminalisées dans ce pays. Deux ressortissants togolais ont également été expulsés à la frontière togolaise aux côtés de Benjamin. « Ils pleuraient, répétaient ‘c’est fini, c’est fini’ », a-t-il confié, ajoutant qu’ils se sont cachés depuis.

Silence des autorités et appel des Nations unies

Face à la situation, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a appelé le Ghana à cesser les expulsions vers le Nigeria, la Gambie, le Togo, le Mali, le Liberia ou tout autre pays tiers « lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire que les personnes pourraient y être soumises à la torture ».

Contacté, le Département d’État américain a déclaré qu’il « continuerait à utiliser tous les moyens appropriés pour renvoyer les étrangers qui ne devraient pas se trouver sur le sol américain ». Pour le moment, les gouvernements togolais et ghanéen n’ont pas encore réagi à ces informations.

 

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