A la Grande Loge Nationale Togolaise (GLNT), l’ordre ne règne plus sur les colonnes. Le chaos s’installe, une nouvelle fois. A rebours de l’expression maçonnique qui appelle à « rassembler tout ce qui est épars », les frères vont plutôt de désaccord en désamour, d’inimitié en divorce… en affichant un chaos qui n’a aucune commune mesure avec le chaos qui précède l’ordre.
L’ordre renoue malheureusement avec la « guerre fraternelle ». Oui, une guerre fraternelle. Aussi antinomique, incompatible que l’expression parait, elle décrit à s’y méprendre, l’atmosphère sombre et terne qui refait surface, au sein de la plus grande obédience maçonnique du Togo. Pourtant, les frères venaient de réussir de haute lutte à faire régner la paix et à retrouver l’harmonie, avec une certaine certitude que la hache de guerre était définitivement enterrée. Hélas ! Et rebelotte, des démons reprennent malheureusement du poil de la bête. Contre toute attente….
L’histoire….
Les « frères » s’activaient à « réunir ce qui est épars » pour permettre à ceux qui s’étaient opposés à l’installation du défunt Grand Maître de rejoindre les rangs de la fraternité. Julien Pitassa Kao qui assure l’intérim de feu Ignace Clomégah, a donné des instructions claires pour accélérer les discussions et favoriser le retour des « frères momentanément éloignés ». Mais c’était sans compter avec l’ambitieux Yva Badohu, directeur de Togo Foods, entouré d’une poignée de « frères » jusqu’au-boutistes, qui s’évertuent à saper les efforts de la GLNT, en prétextant l’avoir installé « Grand Maître » (sic) le 01 mars dernier, dans un ultime geste de forfaiture, en violation flagrante de plusieurs décisions de justice et au mépris des règles et pratiques maçonniques.
La Franc-Maçonnerie togolaise croyait en avoir fini avec la guerre fratricide après plusieurs années de crise et de tensions ouvertes en 2016 entre les « frères », et la reconnaissance en 2020 de feu Ignace Anani Clomégah, comme Grand Maître (GM) de la GLNT, par les Grandes Loges à travers le monde, à l’instar de la Grande Loge Unie d’Angleterre, une sorte de Vatican de la maçonnerie dite régulière, et de la quasi-totalité des grandes loges africaines, européennes et américaines. De fait, plusieurs « frères » dissidents qui s’opposaient à l’installation de l’expert-comptable, ont fini par revenir au bercail pour lui faire allégeance. Seule une poignée d’irréductibles, sont restés « Méthodistes », du nom de cette école primaire dont étaient affublés les « frères rebelles » et où ils se réunissaient dans des salles de classe avant d’en être chassés.
Au lendemain du décès d’Ignace Clomégah, l’initiative qu’il avait déjà entreprise de tendre la main aux derniers « Méthodistes » s’est accélérée sous son successeur par intérim, Julien Pitassa Kao. Selon un proche de ce dernier, les discussions avaient bien progressé mais achoppaient sur les rangs et grades obtenus par certains « Méthodistes » et qu’ils voudraient voir conserver à leur retour à la Grande Loge. Ce serait « une prime à la rébellion », contestaient certains « officiers » de la GLNT. Pour autant, la tendance était au retour de l’harmonie et l’intégration de tous les frères dissidents, y compris ceux radiés. Mais l’acte posé le 01er mars par Yva Badohu et ses amis semble définitivement mettre fin à tous ces efforts. Car, comme nous l’a confié un officier de la GLNT et confirmé par une note officielle publiée par le GM par intérim, il ne saurait être question de tolérer ces comportements hors la loi, ces attitudes de rébellion et de défiance à l’égard des institution judiciaires, administratives et politiques de notre pays.
Installé … dans son salon.
En cette soirée du vendredi 01er mars, dans une des villas cossues de la Résidence de la Caisse au nord de Lomé, se pressent une vingtaine d’individus en costume sombre. Selon la note qu’ils ont adressée au Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et du Développement du Territoire, il s’agit de « la tenue d’une réunion de la Grande loge nationale togolaise dans un cadre purement privé pour une cérémonie rituelle ». De fait, cette vingtaine de personnes sur plus du millier que compte la GLNT et dont une bonne partie a été exclue temporairement ou radiée selon nos informations, va introniser Yva Badohu GM (sic) dans une cérémonie organisée dans son salon. C’est sans doute l’acte de défiance et de parjure de trop de ce sexagénaire décrit comme un ambitieux à l’égo surdimensionné. « Il s’est toujours rêvé en Grand Maître et est prêt à vendre père, mère, et beau-père pour y arriver. Mais là, c’est un roi sans couronne, un chef qui n’a de trône qu’un rocher, un nain maître et non un grand maître » commente ce franc-maçon qui confie avoir été proche de Yva Badohu avant de s’en éloigner très vite à cause de sa mégalomanie maladive.
Beaucoup de francs-maçons à qui nous avons parlé en sont convaincus, Yva Badohu a été la tête pensante, le maître d’œuvre et le chef d’orchestre de la crise qu’a connue la GLNT, uniquement pour satisfaire cette ambition démesurée. Il a su manipuler malheureusement certains frères, en convoquant chez eux leur esprit grégaire et chez d’autres, ce qu’il y a de plus vil chez l’homme : l’argent, qu’il distribue à tout va à ses obligés. Pour renforcer sa citadelle aux fondations en argile, il a fait appel à un ancien ministre revenu aux affaires, pour le parachuter président d’une loge, avec la promesse de faire de lui en un laps de temps, un Grand Officier. L’objectif à peine voilé était de faire profiter de ses faveurs et relations à la dissidence.
Décisions de justice violées.
Plusieurs décisions de justice ont déjà tranché la question de la reconnaissance du camp qui a légitimité à utiliser le nom et les emblèmes de la GLNT, ainsi que celle de Grand Maître. Ainsi, par ordonnance de référé contradictoire N° 0207/2020 rendue le 22 avril 2020 par le Tribunal de Grande instance de Lomé, il a été fait interdiction par exemple à Monsieur Issaka Yamba Pessinaba, auto-proclamé GM de la GLNT et considéré comme un homme sous l’influence de Yva Badohu qu’il a installé le 01er mars dernier comme son successeur, de faire usage du titre de Président ou de GM de la GLNT. Par la même ordonnance, il lui est également interdit, à lui-même ou à toute personne ou tout groupe de personnes ou loge se réclamant de lui, l’usage des papiers à-en-tête de la GLNT, les logos, cachets de l’obédience. Cette ordonnance n’ayant jamais connu de sursis et n’ayant jamais été infirmée par la Cour d’Appel, reste donc pleinement en vigueur et exécutoire.
En outre, par requête enregistrée au Greffe de la Cour suprême du Togo le 12 mars 2021, Monsieur Issaka Yamba Pessinaba, radié entre temps de la GLNT, a demandé l’annulation de la décision de reconnaissance d’Ignace Clomegah comme Président et GM de la GLNT prise par le Ministre de l’Administration Territoriale. Dans son arrêt N° 06/22 du 23 décembre 2022, la Chambre Administrative de la Cour suprême a rejeté le recours du sieur Issaka Yamba Pessinaba.
Au demeurant, d’après nos sources, le Ministre de l’Administration territoriale, lorsqu’il a été saisi par courrier par les organisateurs pour l’informer de la tenue de la réunion du 1er mars, leur a demandé « dans l’intérêt de la loi et de l’Etat, de sursoir à cette réunion pour aller au dialogue avec l’autre partie » sous sa direction, après leur avoir rappelé l’existence d’une série de décisions de justice reconnaissant la légitimité des dirigeants actuels de la GLNT.
Ultime preuve du déni dans lequel s’enferment Yva Badohu et ses amis, ils n’ont plus accès au temple de Djidjolé ni à quelque autre temple sur le territoire national.
Chassé de partout
Comme nous l’a confié un « frère », un maçon doit être reconnu comme tel par ses frères. Ce qui n’est plus le cas d’Yva Badohu, radié de la GLNT. Conséquence : il ne peut plus aller dans aucune loge régulière et bien informée dans le monde. Il en a encore fait l’amère expérience ces derniers mois, notamment aux Etats-Unis où il pensait pouvoir passer incognito dans une loge. Il en fut chassé manu militari.
C’est donc en vain qu’il se présente auprès de la presse comme le successeur d’Ignace Clomégah.
Lors de la réunion de la Communauté des Grandes Loges Régulières du Monde Francophone tenue à Brazzaville (Congo) le 23 février dernier, et contrairement à ce que nos confrères d’Africa Intelligence ont publié, la GLNT y était représentée par le Grand Maître par intérim et par le président de la commission des affaires extérieures.
L’absence d’Yva Badohu à cette rencontre n’était donc pas due à son hypothétique french bashing mais simplement au fait qu’il n’est plus membre de la GLNT dont il est radié, encore moins son GM. De surcroît, la Conférence des Grands Maîtres des Grandes Loges Régulières d’Afrique n’a jamais reconnu son groupe de dissidents, ni celui entretenu au Mali par son compère et ami, Sadio Lamine SOW.
Au surplus, et à rebours de ce que soutient Africa Intelligence, des Grandes Loges des pays de l’Alliance des Etats du Sahel étaient présentes selon nos informations à Brazzaville, avec des délégations conduites par leurs Grands Maîtres respectifs : Grande Loge du Burkina Faso avec le Grand Maître Alain Roger Coefe et la Grande Loge Nationale Malienne avec le Grand Maître Boubakar Keita.
Quant à la Grande Loge du Niger, elle ne pouvait pas être admise à cette réunion car la Grande Loge Nationale Française lui a retiré sa reconnaissance depuis 2021. De facto, elle est exclue de toutes les réunions internationales en attendant l’Installation d’un nouveau Grand Maître régulièrement élu et installé pour remplacer Mamadou Talata Doulla.
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