Après une tournée européenne de deux mois (France, Belgique et Hollande) en deux étapes, où il avait eu à jouer à plus de 20 dates différentes, le groupe Nana Benz du Togo (NBT), à peine de retour au Togo, se lance avec succès à la rencontre des publics des CLAC de Tchamba, de Sokodé et de Notsè du 16 au 20 octobre 2023, au grand plaisir des jeunes mélomanes de ces lieux de culture et de loisirs.
Grâce au dispositif du projet « Clac en scène » de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), celle-ci met pour la première fois à disposition du Centre national de lecture et d’animation culturelle (CENALAC) du Togo, les Nana Benz du Togo (NBT) conduite par leur manager, Dick Mawuto, directeur de l’Espace Level à Lomé qui fait un énorme et appréciable travail de détection et de visibilité des talents musicaux togolais. La programmation de ce groupe incroyable en pleine ascension depuis 5 ans, est un symbole fort des initiatives culturelles novatrices conduites essentiellement par des artistes dont des femmes qui impactent la vie de leur pays et de leurs compatriotes : de beaux exemples de réussite !
En effet, les Nana Benz du Togo (NBT) sont avant tout trois dames : Lady Apoc : chanteuse et percussionniste ; Lyne Izealedu : chanteuse et percussionniste et Parus Kekeli : chanteuse et pianiste qu’accompagnent deux batteurs, Toto Tchilatchi et David Kasankou : bassiste. Ces musiciens ont bénéficié de l’accompagnement d’un mentor, le grand artiste togolais Peter Solo qui vit à Lyon. Leur orientation musicale, le « Digital Vaudou » puise dans la riche tradition de la religion traditionnelle vaudou/vodou.
La philosophie religieuse des Nana Benz du Togo (NBT)
Selon notre principale informatrice, Lyne Izealedu, le groupeNBT milite pour l’émancipation de la jeune femme africaine, le vaudou, qui est intrinsèquement lié à la protection de la nature et qui est notre culture : « Notre musique s’appelle Digital Vaudou, car nos inspirations viennent des couvents vaudous auxquels nous apportons une touche de modernité à travers le synthétiseur (piano) et les sonorités des années 1970 et 1980 qui font référence à la période du disco et de la musique électro. »
En effet, en les écoutant sur scène, nous entendons une musique envoûtante d’une modernité captivante sur fond de techno et de disco. Il y a des influences des Boney M que le groupe n’avoue pas clairement surtout lorsqu’on considère sa composition, une partie de leur habillement et le look de David Kasankou, un énorme afro très sympa et enviable, réalisé avec les propres cheveux du batteur.
En référence à la protection de l’environnement, ils utilisent des instruments issus de la récupération à savoir : une batterie 100% recyclée appelée “do it yourself” composée d’une valise vintage, d’ustensiles de cuisine, et de grosses boîtes plastiques qui servent de Tom. La basse est fournie par un instrument fait maison appelé “Gazé Tuyau», à base de tuyaux PVC joué avec des semelles ou tong. Les cloches renvoient aux instruments traditionnels, surtout utilisés dans les pratiques vodou (vaudou) tandis que le tambourin et le synthétiseur sont des instruments modernes. Tout est ficelé avec les gammes vaudou : gamme Dan et gamme Mami, qui sont le soubassement de certaines musiques traditionnelles africaines qu’on retrouve dans les couvents vaudou de l’ancien Royaume du Danhomey aujourd’hui République du Bénin et au Togo. On dirait des gammes mâle (Dan = serpent) et femelle (Mami Water, la mythique divinité de la mer).
Selon NBT, vaudou signifiant : consulter ; consulter l’eau, la terre, le feu et l’air pour comprendre des évènements se produisant aujourd’hui et préserver demain. D’où l’idée que lorsque nous protégeons la nature, elle est bienveillante à notre égard, mais quand nous la détruisons elle nous nuit.
S’agissant de l’émancipation de la jeune femme africaine, NBT souhaite que l’on rende à la femme sa place perdue au sein de nos sociétés à dominance patriarcale. Ce qu’ils résument en cette formule : “Qui ne respecte pas la femme, ne respecte pas la nature.”
Les Nana Benz du Togo (NBT) dans la dynamique de « Clac en Scène »
Les spectacles donnés aux jeunes publics essentiellement dans les après-midis des 17, 18 et 20 octobre 2023 dans les CLAC de Tchamba, Sokodé et Notsè ont été précédés de rencontres les matinées des mêmes dates qui ont donné lieu à des échanges fructueux sur la protection de l’environnement, la place des filles et des femmes dans nos sociétés, la recherche identitaire et le vaudou que NBT assume complètement et veut qu’on dédiabolise. A Sokodé, la rencontre a tourné autour des difficultés d’exercice de la profession d’artistes au niveau national et local.
Au total, ce sont plus de 2000 jeunes qui ont pris d’assaut les CLAC en 3 jours, les records étant atteints à Tchamba et à Notsè.
Cette tournée révèle que les villes ont des défis logistiques à relever en termes d’accueil de spectacles grands publics, ce à quoi elles ne se confrontent pas tous les jours ; les CLAC également ont besoin d’aménagements de scènes extérieures pour le confort des publics se déplaçant en grand nombre.
En rappel, l’OIF met en œuvre depuis 2021 « Clac en Scène ! ». Ce nouveau projet vise à promouvoir la circulation et la visibilité des artistes dans les réseaux des centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC). L’OIF offre ainsi, d’une part, aux artistes l’opportunité de se produire dans leurs territoires en dehors des centres urbains et des circuits habituels de représentations et, d’autre part, aux populations, la possibilité de bénéficier d’une chance de découvrir la richesse de la création culturelle francophone contemporaine dans leur propre pays de sorte à consolider l’appartenance à cet espace particulier.
Dans le cadre de la phase pilote, lancée au second semestre 2021 aux Comores, Burkina Faso et au Niger qui a donné des résultats probants en matière de mobilisation de plus de 500 spectateurs, le dispositif est déployé depuis 2022 dans 7 autres pays : Sénégal, Gabon, Comores, Burundi, Centrafrique, Niger et Togo. Notre pays en jouit donc pour la première fois avec cette tournée des Nana Benz du Togo.
Kodjo Cyriaque NOUSSOUGLO