Déclencheur de l’implémentation de la justice militaire au Togo, l’assassinat du Colonel Bitala Madjoulba en mai 2020 a donné lieu à un processus long, patient et rigoureux en ce qui concerne l’enquête et la mise en place des juridictions militaires du pays. Au terme de ce long processus, qui a fini par révéler beaucoup d’efforts de la part du gouvernement, le procès sur cet assassinat mystérieux s’est ouvert à Lomé le lundi 23 octobre dernier et se poursuit.
La justice togolaise, dans sa composition et sa forme au lendemain de l’assassinat du Colonel Madjoulba, ne disposait pas de toutes les capacités pour pouvoir investiguer, instruire et aboutir à un procès juste et équitable, de sorte que toute la lumière puisse être faite dans ce dossier très complexe.
La volonté du gouvernement d’œuvrer en vue du triomphe de la vérité s’est fait remarquer assez tôt par la mise en place d’une commission d’enquête judiciaire. Et pour aller plus loin dans cette volonté tenace, « Le Togo a demandé dans le cadre de l’entraide pénale internationale, des expertises à la justice française », a déclaré le général Yark Damehame, alors ministre de la Sécurité, sur RFI. La balle extraite du corps de la victime lors de l’autopsie a été envoyée en France. L’expertise ghanéenne a même été associée à l’expertise française à un moment donné.
Suite aux premières conclusions des experts, plusieurs interpellations avaient déjà été enregistrées
Mais, pour poursuivre et approfondir les actions de cette commission d’enquête, une juridiction militaire s’est imposée, vu que les présumés coupables étaient pour l’essentiel des militaires. Dans un contexte d’absence de juridiction militaire au Togo, le gouvernement a donc dû redynamiser les initiatives en vue de sa mise en place.
Sous l’orientation du chef de l’Etat, l’exécutif a procédé à la mise en place d’un cadre normatif approprié. Un long processus jalonné par l’adoption de plusieurs textes.
Justice militaire, étape par étape…
Avec un premier texte sur la justice militaire voté depuis le 30 octobre 1981 mais non mis en œuvre, le gouvernement a eu le terreau qu’il faut pour accélérer les choses, sans compter qu’il a entrepris depuis plus d’une dizaine d’années la modernisation de la justice togolaise dans son ensemble. En 2016, un nouveau texte sur la justice militaire avait été adopté. Déjà le 27 décembre 2022, l’Assemblée nationale a délibéré et adopté le nouveau code de justice militaire portant modification de la loi n° 2016-008 du 21 avril 2016. Le tribunal militaire de Lomé est désormais opérationnel. La juridiction a officiellement lancé ses activités le lundi 09 octobre 2023, lors d’un atelier de sensibilisation rassemblant les différents corps des forces armées togolaises et d’autres acteurs concernés.
Le 23 décembre 2022, un projet de loi portant statut des magistrats et auxiliaires des juridictions militaires a été adopté par le gouvernement. Il fixe le statut des personnels des juridictions militaires que sont les magistrats militaires, les greffiers et secrétaires de parquet militaires ainsi que des auxiliaires des juridictions militaires à savoir les appariteurs. Pour améliorer le texte déjà adopté, la loi 2023-001 du 09 janvier 2023 procède à la modification de la loi portant code de justice militaire votée en 2016. Les magistrats et greffiers appelés à exercer dans ces juridictions ont par la suite prêté serment.
Le 24 avril 2023, la fumée blanche est sortie. Par décret présidentiel, la nomination de huit magistrats spécialisés pour ce tribunal en appui aux corps déjà existants, pour siéger au Tribunal militaire et à la Cour d’appel militaire a été actée. Pour rendre opérationnelle cette juridiction, le 09 Octobre 2023, les membres de ces juridictions ont été présentés officiellement par le garde des sceaux, ministre de la justice et de la législation, Pius Kokouvi Agbétomey.
Cette volonté manifeste du gouvernement se trouve en droite ligne de la feuille de route gouvernementale 2020-2025, dont la priorité 3 de l’axe 1, vise l’amélioration de l’efficacité du système judiciaire.
La présomption d’innocence totalement garantie aux prévenus
Pour un procès juste et équitable, le gouvernement a mis en place tout l’arsenal juridique et administratif nécessaire. La présomption d’innocence et le principe du contradictoire sont des droits dont jouissent les prévenus dans ce dossier. Assistés d’avocats, les prévenus jouissent de tous leurs droits devant la juridiction et, depuis le lundi 23 octobre dernier – date de l’ouverture du procès – tous donnent librement, sans aucune pression ou contrainte, leur version des faits.
Suite à la sentence du tribunal militaire, le cadre légal permet aux prévenus ou au ministère public de faire appel près de la Cour d’appel militaire. Tout cet encadrement juridique permet de respecter le droit de chaque partie afin que justice soit faite.
Pour le garde des sceaux, toutes les dispositions ont été prises pour que le droit soit dit. Les juridictions militaires « sont conçues pour être animées non seulement par les magistrats de l’ordre civil mais aussi par les magistrats purement militaires formés à cet effet », a précisé le garde des sceaux, le 09 octobre, lors de la présentation des membres de cette juridiction à la Presse.
Commandant en chef du premier bataillon d’intervention rapide, Bitala Madjoulba a été retrouvé mort dans son bureau au matin du 4 mai 2020.
Suite à ce meurtre, à tout l’émoi suscité et à l’onde de choc créée, plusieurs voix se sont élevées, au Togo, en France et un peu partout dans le monde, pour demander que justice soit faite. Dans un contexte de questionnements multiples et de doutes, la manifestation de la vérité a été exigée.
Aujourd’hui, le gouvernement togolais a su mettre en place tout un cadre juridique et institutionnel pour permettre à la justice de faire son travail. Tout le monde s’accorde à dire que cette démarche a pris du temps, mais elle était nécessaire pour que justice soit rendue de façon juste et sereine. L’issue de ce procès est attendue avec impatience par l’opinion publique togolaise et internationale.