Plus de 18 millions d’avortements provoqués chaque année sont pratiqués par des gens qui n’ont pas les compétences nécessaires et/ou dans un cadre ne répondant pas aux normes médicales minimales, de sorte que le danger est réel témoigne Dr Toovi Madje Koffivi, médecin en santé sexuelle et reproductive à l’Association togolaise pour le bien-être de la femme/ATBEF), selon l’agence de presse « savoirnews ».
Et selon Dr Dougrou directeur régional Afrique francophone/IPA, une structure qui œuvre à l’accomplissement des droits de chaque femme en matière de santé sexuelle et reproductive, « Entre 2015 et 2019, on a eu une moyenne de 73 millions d’avortements provoqués enregistrés dans le monde. Et presque tous les cas d’avortements à risque avaient été effectués dans des pays en développement ».
L’avortement non sécurisé représente un défi de santé mondiale qui entraîne chaque année le décès d’approximativement 47.000 femmes et des séquelles graves chez 5 millions d’autres et c’est la région de l’Afrique de l’Ouest qui est la plus touchée par ce problème, rapporte le confrèretout en soulignant qu’au niveau de l’OMS, 4,2 millions d’avortement à risque sont pratiqués par an en Afrique avec près de 300 000 décès. 10 à 50% des femmes ont besoin de soins médicaux suite à des complications liées à un avortement. Plus de 1,8 millions d’avortements non sécurisés sont pratiqués chaque année en Afrique de l’Ouest, avec un taux de décès de 540 pour 100.000 avortements, ce qui représente de loin le taux le plus élevé au monde, selon la même source.
La situation au Togo
Au niveau du Togo, selon le confrère, le pays est signataire du protocole de Maputo (premier traité panafricain à reconnaître expressément l’avortement comme un droit humain dans des circonstances spécifiques, ratifié sous l’égide de l’Union africaine), dispose d’une loi sur la santé de la reproduction depuis 2007. Elle autorise le recours à l’avortement afin de protéger la vie et la santé de la femme, lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, et dans le cas d’une malformation grave du fœtus. La loi spécifie que tous les avortements doivent être prescrits par un médecin, « un obstacle de taille dans un pays où il y a moins de 400 médecins » (selon Dr Toovi). En outre, cette loi est relativement méconnue, ainsi que les dispositions nécessaires à son application.
« L’avortement provoqué est souvent secondaire à une grossesse qui surprend la fille ou la femme et la plus importante conséquence est l’hémorragie, première cause de décès chez la femme ou la mère au Togo. On peut citer également les infections et la stérilité », a expliqué Dr Abram Amétépé Agossou (directeur de la santé, de la mère et de l’enfant au ministère de la santé et de l’hygiène publique du Togo).
« C’est un gap de communication qu’il va falloir combler. Moi, mon épouse a développé des myomes suite à un avortement non sécurisé. Son ventre était comme celui d’une femme enceinte. Nous avons dépensé plus de 400.000FCFA pour une opération chirurgicale, avant qu’une grossesse ne soit rendue possible des mois plus tard. La contraception est moins coûteuse, mais beaucoup ne savent pas s’orienter », a expliqué Peter interviewé après un débat sur les avortements criminels rapporte le confrère.
Aussi comme le précise le confrère c’est une problématique très complexe et d’actualité. Le phénomène n’est pas négligeable et les médias ont donc un rôle important à jouer : lever le tabou, sensibiliser et appeler à l’action, afin de contribuer à la protection de la santé sexuelle et de reproduction de la jeune fille et de la femme et impliquer fortement les hommes.
Selon Peter (gestionnaire dans une banque), interrogé par le confrère, il faut une « Minute Planing dans les programmes de télévision ». « Ma cousine est morte après avoir pris une pilule abortive. Sa mère ne voulait pas entendre parler de grossesse avant le mariage. Il faut aussi des efforts de sensibilisation, impliquant les mères et les jeunes filles, et même les garçons. Il faudra surtout assouplir les lois car, si une personne doit mourir suite à un avortement, autant œuvrer à ce qu’elle évite la grossesse, car la sexualité sera presque toujours précoce chez la plupart des jeunes filles ».
Les solutions possibles
Face à un tableau inquiétant quoique silencieux, il est palpable que les actions de sensibilisation n’atteignent pas toutes les couches sociales. Les questions liées à la contraception, au retard du premier rapport sexuel, devraient être de tous les débats liés à la santé sexuelle de la femme et de la jeune fille. Concernant les pistes à renforcer, l’enseignement de la sexualité, l’éducation à la vie familiale et de parenté responsable devraient être promus dans les écoles primaires et secondaires, ainsi que les Droits en santé sexuelle et reproductive/Planification familiale.
Pour Kossi Nateba (juriste), les gouvernements peuvent élargir l’accès à l’avortement sécurisé. « Il faudra harmoniser l’ensemble des lois de telle sorte qu’elles soient conformes à l’article 14 du Protocole de Maputo, lorsque celui-ci a été signé et ratifié, former les juges, les avocats et les personnes chargées de l’application des lois afin qu’ils comprennent le cadre juridique et permettent l’avortement dans tous les cas autorisés par la loi. S’assurer que les femmes ont accès à des procédures légales en toute sécurité, sans honte et évitant toute stigmatisation ».
« Il s’agit également d’arriver à réduire la mortalité et la morbidité maternelles en jouant sur deux principaux leviers : accroitre la prévalence contraceptive -des études ont montré que la contraception ou le planning familiale réduit de 30% la mortalité maternelle- et réduire les avortements à risque », a expliqué Dr Dougrou pour qui, les médias ont également un rôle important à jouer.
Bamba Youssouf (président du comité exécutif du réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement/REMAPSEN) soutient que les médias sont une courroie de transmission pour faire passer le message, afin de mieux œuvrer à la promotion des bonnes pratiques et faire le plaidoyer auprès des autorités. « Notre rôle est de relayer cette information », a souligné M. Youssouf.