Aujourd’hui c’est la Journée mondiale contre la peine de mort. Cette année, la communauté internationale la consacre au droit à une représentation juridique pour les personnes susceptibles d’être condamnées à mort. Les Etats sont invités à garantir aux citoyens, le droit à un avocat en matière pénale en vue de l’abolition « rapide » et « totale » de la peine de mort. En prélude à cette célébration, la Présidente de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), Mme Nakpa POLO fait l’état des lieux sur l’évolution de la situation de la lutte pour l’abolition totale de la peine de mort dans le monde et sur le continent africain lors d’une interview accordée à l’Agence de presse AfreePress.
Mme Polo a au cours de ce entretien, expliqué ce que c’est que la peine de mort qui est une peine prévue par la loi consistant à donner la mort (exécuter) à une personne, reconnue coupable d’une infraction généralement qualifiée de « crime », et le plus souvent ceux qui commettent un homicide. La sentence est prononcée par une juridiction à l’issue d’un procès. Faisant cas du Togo, la présidente de la CNDH a indiqué qu’ avant son abolition, étaient passibles de cette peine : ceux qui commettaient un homicide avec préméditation ou guet-apens ; ceux qui commettaient un homicide sur leurs ascendants ; ceux qui commettaient un homicide dans un but rituel ou d’anthropophagie et ceux qui commettaient un homicide pour préparer, faciliter ou consommer une infraction contre les biens ou contre les murs.
Mais depuis quelques années, cette sanction n’est plus en vigueur au Togo, comme dans bon nombre d’Etats. Plusieurs organisations internationales comme l’Organisation des Nations unies (ONU), l’ont réprouvée.En effet, elle est implicitement condamnée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui consacre le droit à la vie en son article 3 en ces termes, je cite : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ».
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques va plus loin en affirmant en son article 6 que « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa vie ».
Toutefois, c’est avec le deuxième protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort que les Nations Unies prennent clairement position contre la peine capitale. L’article premier énonce en effet ce qui suit : « 1. Aucune personne relevant de la juridiction d’un État partie au présent protocole ne sera exécutée ». « 2. Chaque État partie prendra toutes les mesures voulues pour abolir la peine de mort dans le ressort de sa juridiction ».
Mais force est de constater que certains pays n’ont pas encore aboli la peine de mort. Une des raisons qui a amené comme l’a indiqué Mme Nakpa POLO, la communauté internationale depuis 2003, à retenir la date du 10 octobre comme Journée mondiale contre la peine de mort par la coalition mondiale contre la peine de mort. Une coalition constituée d’un collectif international d’ONG, de barreaux d’avocats, de collectivités locales et de syndicats dont le but est de renforcer la dimension internationale du combat contre la peine capitale.
Cette journée vise à : encourager et renforcer la dimension internationale du combat pour l’abolition auprès des opinions publiques et des décideurs publics ; faire pression sur les États qui conservent la peine capitale pour qu’ils l’abolissent et réclamer l’arrêt définitif des condamnations à mort et des exécutions dans le monde ; promouvoir et élargir la Coalition mondiale contre la peine de mort pour renforcer sa représentativité internationale ; légitimer auprès des institutions/organisations internationales et régionales l’instauration de la Journée mondiale le 10 octobre de chaque année.
Cette année le thème de la 18e journée mondiale est « avoir accès à un avocat : une question de vie ou de mort ». Il est impératif de mettra à disposition, une représentation juridique pour les personnes susceptibles d’être condamnées. Sans accès à une représentation juridique efficace pendant l’arrestation, la détention, le procès et après le procès, le droit à une procédure régulière ne peut être garanti.
Aux niveaux national et international, le droit à un avocat en matière pénale est un droit fondamental, garanti dans la plupart des constitutions et des grands traités internationaux. Malheureusement, nombreux sont les systèmes judiciaires du monde entier qui ne parviennent pas toujours à offrir une représentation juridique adéquate aux personnes accusées d’un crime.
Etat des lieux dans le monde et en Afrique
Dans ses propos, Mme Nakpa Polo est revenue sur la situation de la peine de mort dans le monde et particulièrement en Afrique. Elle s’est dit fière de constater qu’aujourd’hui, les États abolitionnistes sont majoritaires. En effet, sur les 193 États membres des Nations unies : 103 États ont aboli la peine de mort pour tous les crimes ; 08 l’ont abolie pour les crimes de droit commun ; et 49 respectent un moratoire sur les exécutions en droit ou en fait, soit 160 États au total. Mais malheureusement, la peine de mort est toujours appliquée dans 33 États à travers le monde.
En ce qui concerne l’Afrique : vingt (20) Etats dont le Togo sont abolitionnistes de droit ; dix-sept (17) sont abolitionnistes de fait ; quinze (15) maintiennent toujours la peine de mort ; un (01) respecte un moratoire sur les exécutions (Gambie) ; et un (01) la abolie pour les crimes de droit commun (Burkina-Faso).
Quel est le cas du Togo ?
Au Togo, la Constitution du 14 octobre 1992 protège le droit à la vie. En effet, l’article 13 dispose : « L’Etat a l’obligation de garantir l’intégrité physique et mentale, la vie et la sécurité de toute personne vivant sur le territoire national. Nul ne peut être arbitrairement privé ni de sa liberté ni de sa vie » a rappelé Mme Polo.
Les anciennes législations en matière pénale avaient prévu la peine de mort. Cependant depuis l’avènement de la constitution de 1992, même s’il est arrivé que les juridictions notamment les cours d’assises l’aient prononcée, elles n’étaient pas suivie d’effets. Il faut noter qu’elle n’a été exécutée qu’une seule fois, en 1978.
Depuis trois décennies, le Togo qui était un abolitionniste de fait, s’est engagé dans un processus législatif d’abolition de la peine de mort. Ce processus a conduit à l’adoption de la loi N° 2009- 011 du 24 janvier 2009 relative à l’abolition de la peine de mort, promulguée le 24 juin 2009 par le Chef de l’Etat.
Cette abolition sera réaffirmée dans le nouveau code pénal de 2015 (la loi N°2015-010 du 24 novembre 2015 portant nouveau code pénal, elle-même modifiée par la loi N°2016-027 du 11 octobre 2016).
De plus, le 14 septembre 2016 le Togo a adhéré au 2e protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques visant l’abolition de la peine de mort. Le Togo devient ainsi le 82ème État partie à ce traité international et le 12ème en Afrique.
Enfin, le Togo a constitutionnalisé l’abolition de la peine de mort et de la peine à perpétuité ou à vie depuis la réforme du 15 mai 2019. Avec cette réforme constitutionnelle, la peine maximale au Togo est de 50 ans.
Dans son mot de fin, Mme Nakpa POPLO est revenue sur le caractère non dissuasif de la peine de mort. En effet, selon plusieurs études, on remarque que les Etats non abolitionnistes sont ceux qui ont les taux les plus élevés en matière de criminalité tandis que dans les pays qui ont interdit la peine de mort, les chiffres relatifs à la criminalité n’ont pas augmenté.
Un constat qui amène la CNDH à saluer les efforts du gouvernement et de toutes les parties prenantes ayant permis d’inscrire le Togo sur la noble liste des pays abolitionnistes. Elle saisit cette occasion pour inviter les autres pays d’Afrique à se joindre à ce mouvement. La présidente de la CNDH a également tenu à exprimer sa préoccupation par rapport à la résurgence d’un phénomène qui s’apparente à la peine de mort : la vindicte populaire. « La vindicte populaire est un moyen de plus en plus utilisé par les populations pour se défendre, s’exprimer ou encore pour juger les supposés « déviants » et le plus souvent les malfrats. Ce phénomène est de plus en plus récurrent dans les villes togolaises, plus précisément à Lomé. La CNDH estime que la vindicte populaire est une violation grave des droits de l’homme, car, nul n’a le droit de se rendre justice. Les présumés ou supposés malfrats bénéficient de la présomption d’innocence jusqu’à ce que leur culpabilité soit établie en vertu d’une décision de justice » a-t-elle précisé
Somme toute, la vindicte populaire n’excuse en rien le crime à l’encontre d’un délinquant quel que soit le degré de l’acte commis par celui-ci. La CNDH condamne ces pratiques moyenâgeuses. Car, le risque que les personnes lynchées ne soient même pas les auteurs des infractions à elles reprochées est grand. Une personne innocente peut être à tort victime d’un lynchage, pourvu qu’elle se retrouve fortuitement à la fois à un mauvais moment et à un mauvais endroit.
Pour cela, la CNDH a tenu à préciser que toute personne soupçonnée de commettre une infraction doit être conduite aux autorités compétentes (police, gendarmerie ou justice) afin qu’elles statuent sur son cas, conformément aux textes en vigueur.