Quelques jours avant son départ du Togo, Marc Vizy, a accordé une interview exclusive à nos confrères du Quotidien Togo Matin, L’ambassadeur de France près le Togo a tenu à rendre un hommage mérité au peuple togolais. Le diplomate français quitte notre pays « avec nostalgie ». Il livre ses impressions sur le Togo, rend compte de l’évolution de la situation politique, économique du Togo depuis son arrivée en 2017. C’est aussi l’occasion pour l’ambassadeur français de donner sa lecture, plutôt, positive de la coopération entre son pays d’accueil et sa patrie d’origine.
Togo Matin : Vous arrivez en fin de mission au Togo, après y avoir passé trois ans. Quelles sont vos impressions sur ce pays, ses populations, depuis votre arrivée ?
Marc Vizy : C’est avec nostalgie que je vais quitter le Togo dans les prochains jours. Le pays m’a marqué et j’y ai passé un séjour que j’espère fructueux pour les relations entre le Togo et mon pays. Les Togolais, qu’ils s’agissent des officiels, des responsables politiques de tous bords, des acteurs économiques, sociaux ou culturels se sont toujours montrés accueillants et ouverts à mon égard.
Au cours de ma mission, j’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’aller à la rencontre des populations et des partenaires de nos projets de coopération à l’intérieur du pays. J’en retiens un dialogue riche et une volonté forte de maintenir les liens qui nous unissent. J’ai particulièrement apprécié la facilité avec laquelle j’ai pu échanger avec les Togolais et la franchise qui a toujours gouverné ces échanges.
En arrivant au Togo quelles étaient vos attentes, sont-elles satisfaites au terme de votre mission ?
Plutôt que des attentes, ce sont plus des objectifs qui m’ont été fixés pour ma mission. Comme vous le savez, mon pays s’investit pour la stabilité et le développement de l’Afrique de l’Ouest. Je suis arrivé à Lomé dans un contexte de tensions. Je quitte un pays qui renvoie une image plus sereine. Il reste que son voisinage immédiat, le Sahel, continue de focaliser l’attention de tous. La France y est impliquée avec ses partenaires, non seulement à travers l’opération Barkhane, mais aussi dans les domaines du développement et de la gouvernance. On sait combien le développement d’un pays comme le Togo est lié à son environnement régional, d’ailleurs, la France et le Togo sont des partenaires au Sahel.
C’est dans ce contexte que j’ai souhaité œuvrer au renforcement du partenariat entre la France et le Togo, deux pays déjà liés par une longue relation d’amitié. Je crois que ces objectifs ont été atteints, puisque de nombreux projets ont vu le jour au cours de ces trois dernières années. Ma priorité était d’abord d’aider à répondre aux besoins de base des populations, notamment grâce au soutien de l’Agence française de développement (AFD) dans les domaines de l’eau, de l’éducation, de la santé ou de l’énergie par exemple.
La relation entre la France et le Togo s’inscrit dans une dynamique très positive depuis plusieurs décennies. Au cours de ces trois dernières années, cette relation s’est étoffée sur plusieurs plans grâce à de nombreuses initiatives. Quel bilan peut-on établir de ces trois dernières années de relation entre nos deux pays ?
De nombreuses initiatives ont effectivement été mises en œuvre au cours des trois dernières années. D’importants projets de coopération ont permis de contribuer au développement économique et social du pays. Nous avons continué de soutenir la société civile et les médias avec le programme Profamed. Nous avons appuyé aussi la réponse des autorités togolaises à la lutte contre la Covid-19. Nous avons enfin développé avec nos partenaires togolais nos actions en matière de sécurité et de lutte contre la menace terroriste, y compris en coopération avec l’Union européenne. En moyenne, plus de mille gendarmes, sapeurs-pompiers, policiers et militaires togolais sont formés chaque année par la France.
Mais au-delà de notre coopération technique, le dialogue entre la France et le Togo est confiant et tourné vers l’extérieur. Nos deux pays convergent sur de nombreux sujets à l’international. Nous travaillons ensemble, avec l’Allemagne, dans le cadre de l’Alliance pour le multilatéralisme. Nous avons soutenu la création en mars 2019 du cluster maritime d’Afrique francophone, qui positionne Lomé comme une plateforme des acteurs francophones en matière maritime et d’économie bleue. En tant que négociateur en chef du futur accord UE-ACP, le Togo joue un rôle clé dans le renforcement des relations Europe-Afrique.
Sur le plan économique, social et politique, la France reste l’un des partenaires privilégiés du Togo. Quels sont les enjeux, les priorités et les chantiers que vous entrevoyez pour la coopération entre les deux pays, après votre départ, dans les mois ou les années à venir ?
Le Togo a adopté un Plan national de développement, qui représente déjà et va représenter dans les années à venir un cadre pour notre partenariat, à différents niveaux. En lien avec nos partenaires européens, nous travaillons étroitement aux côtés des autorités togolaises pour participer au PND. Les entreprises françaises présentes au Togo, jouent également un rôle important dans le développement économique et social du pays et souhaitent s’investir davantage encore dans la mise en œuvre du PND.
Le Togo travaille étroitement avec la France depuis l’éclatement de la crise sanitaire liée au Coronavirus. Concrètement, comment est-ce que les deux pays unissent leurs forces pour pouvoir maîtriser la pandémie voire en sortir ?
La pandémie de Covid-19 qui nous a tous durement frappés a révélé l’efficacité du partenariat franco-togolais. Le rapatriement de Français se trouvant bloqués au Togo ou de Togolais bloqués en France a nécessité un dialogue permanent entre nos deux pays afin de répondre à ces situations inédites. Les autorités togolaises ont, tout au long de la crise, grandement facilité la situation des Français présents au Togo, en permettant la mise en place de vols spéciaux vers la France.
Aujourd’hui, alors que les frontières ne sont pas encore pleinement ouvertes, nous facilitons, à notre tour, les évacuations sanitaires de Togolais qui doivent se faire soigner en France. A notre niveau, nous avons également accompagné les Togolais dans cette crise, notamment en participant au financement du programme Novissi, à hauteur de 2 Mds de FCFA. Nous avons également redéployé certains des crédits alloués à des projets au Togo vers la lutte contre la Covid-19, notamment au bénéfice du secteur de la presse.
Face aux effets de la Covid-19, la stratégie nationale de développement du pays déclinée à travers l’ambitieux Plan national de développement va subir des modifications. Etes-vous confiant, en tant qu’acteur ayant vu naître cette stratégie, malgré la crise, que le PND puisse aboutir à des résultats probants ou satisfaisants ?
Il est certain que la crise sanitaire représente un défi supplémentaire, au Togo comme en France, pour nos prévisions de croissance et nos politiques économiques. Cependant, la situation sanitaire au Togo se stabilise, grâce aux mesures prises par les autorités togolaises, qui ont fait preuve d’une capacité d’adaptation et de réaction remarquable. La France et les autres partenaires au développement sont, je vous le disais, prêts à continuer à soutenir le PND pour qu’il puisse rester un cap à suivre et devenir un outil de sortie de crise pour le Togo.
Depuis votre arrivée au Togo, le pays a connu plusieurs évènements politiques. Et vous avez été toujours attentifs et disponibles à écouter toutes les parties prenantes, notamment à travers le groupe des 5. Quel est votre regard sur la situation politique actuelle au Togo ?
Depuis mon arrivée en 2017, la situation politique a évolué. La mise en œuvre de la feuille de route de la Cedeao et les différentes échéances électorales ont permis un retour vers une situation politique plus apaisée. Si des désaccords ou divergences de points de vue subsistent, le dialogue semble désormais être l’option privilégiée. Des réformes encourageantes sont engagées. Je pense notamment au renforcement de la décentralisation.
La diversité des opinions s’exprime au Togo. Mais parfois, cela se fait au détriment de la vérité, et je peux en témoigner personnellement ! Certains imaginent des histoires sans queue ni tête au sujet de de la France ou de son représentant au Togo.
Je suis très attaché à la liberté de la presse mais pour moi elle n’est pas synonyme de liberté de diffamation. On peut critiquer l’action de la France, mais la diffamation est un délit. C’est pour cela que j’ai saisi la Haac quand, sans aucun fondement, deux publications ont porté contre le conseiller du président de la République française et contre moi de graves accusations purement inventées. Ces publications ont été sanctionnées et interdites de parutions quelques semaines. C’est pour cela qu’elles se déchaînent aujourd’hui. J’avais pris soin de ne pas les attaquer au pénal, ce que le droit togolais aurait cependant permis et qui aurait pu avoir des conséquences plus lourdes pour elles.
Il est dommage que le débat sur la politique intérieure togolaise soit parfois escamoté par un débat improductif sur une France caricaturée. C’est finalement une question de respect des lecteurs qui méritent mieux que cela. Heureusement, l’immense majorité des journalistes que j’ai pu rencontrer durant mon séjour à Lomé sont d’excellents professionnels qui ne tombent pas dans ces travers et j’ai été heureux que nous ayons pu les soutenir, notamment dans le cadre du programme Profamed.
Un mot à l’endroit de toute la classe politique togolaise ?
Les acteurs de la scène politique togolaise, qu’ils soient du parti au pouvoir ou de l’opposition, se sont toujours montrés accueillants à mon égard. J’ai apprécié l’ouverture et la franchise avec lesquelles j’ai pu dialoguer avec chacun d’entre eux et je souhaite les en remercier.
Avez-vous un message pour tous les Togolais, pour les Français résidant au Togo, à toute la famille des diplomates au Togo ?
Je ne peux que souhaiter aux Français présents au Togo et à leurs familles de profiter pleinement de l’expérience qu’offre le pays. Je remercie à cette occasion tous les Togolais qui ont contribué à enrichir ma propre expérience ainsi que les Français résidant au Togo, qui ne cessent d’accompagner l’ambassade dans ses missions. Les liens humains entre la France et le Togo sont tels que je quitte le pays confiant pour l’avenir des relations entre nos deux pays.
Source : Togo Matin
Lire aussi : Conseil des ministres : adoption du rebasage du PIB du Togo