78 parlementaires togolais ont voté pour la levée de l’immunité parlementaire du député Agbéyomé Kodjo le 16 mars 2020, suite à la requête du procureur général près de la Cour suprême. Cette procédure autorise ainsi la poursuite judiciaire contre le député, ancien président de l’Assemblée nationale et ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo à qui il est reproché entre autres, un usage illégal des symboles et emblèmes de l’Etat togolais ainsi qu’un appel au soulèvement de l’armée.
Arrêté, il y a quelques jours à son domicile, puis libéré 72 heures après, l’opposant est placé sous contrôle judiciaire. D’où plusieurs questionnements. Quelles sont les conséquences qui découlent de cette levée d’immunité ? Le député Agbéyomé dispose-t-il encore de son siège malgré cette levée d’immunité ? Peut-il être poursuivi librement pour d’autres infractions ou crimes sans une autre procédure de levée d’immunité ? Bref, que recouvre réellement cette notion de levée d’immunité ?
Le lexique des termes juridiques définit l’immunité parlementaire comme une prérogative qui met les parlementaires à l’abri des poursuites judiciaires en vue d’assurer le libre exercice de leur mandat.
C’est un principe acquis et reconnu à tout député togolais. C’est le chapitre XIV du règlement intérieur de l’Assemblée nationale modifié par la résolution du 22 janvier 2019 qui traite du principe de l’immunité parlementaire. Le principe est vite posé par le premier article du chapitre, l’article 77 dans son alinéa premier, « Les membres de l’Assemblée nationale jouissent de l’immunité parlementaire…». Et le corolaire de ce principe est bien précisé dans le même alinéa « En conséquence, aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions, même après l’expiration de son mandat ».
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Cependant, le principe n’est pas absolu dans la mesure où l’article 78 évoque un principe qui limite considérablement le principe de l’immunité parlementaire, la levée de l’immunité. L’article énumère en effet, les cas où le député peut voir son immunité levée, trois cas plus précisément.
Cette levée d’immunité n’est pas laissée libre, elle est encadrée par une procédure dite procédure de levée d’immunité parlementaire. Cette procédure est énoncée de façon relativement détaillée par l’article 79 qui spécifie la démarche à suivre, de la demande de levée d’immunité jusqu’à la décision. La décision d’accorder la levée d’immunité requiert la majorité absolue des députés composant l’Assemblée nationale.
A la question de savoir si le député Agbeyomé Kodjo peut être poursuivi librement pour d’autres infractions ou crimes sans une autre procédure de levée d’immunité ? La réponse est négative puisque l’article 79, en son alinéa 6 est sans ambiguïté. La décision d’accorder la levée de l’immunité parlementaire ne s’applique qu’aux seules infractions pour lesquelles la levée de l’immunité parlementaire a été demandée.
Agbéyomé Kodjo garde-t-il son siège de député ? Le règlement intérieur restant muet sur la portée de la levée d’immunité parlementaire, il ne permet pas de répondre de façon claire à cette question. Mais la question ne se pose pas normalement dans la mesure où, généralement, la levée d’immunité parlementaire ne concerne que l’inviolabilité du député et n’empêche en aucun cas le parlementaire de conserver son siège au Parlement bien qu’elle puisse l’empêcher d’y siéger physiquement.
Il faut le rappeler, la levée d’immunité n’est pas une présomption de culpabilité du député en cause comme on pourrait facilement le croire, la présomption d’innocence est et restera de mise jusqu’ à ce qu’un tribunal le reconnaisse coupable.