Par Adama AYIKOUE, gestionnaire de Patrimoine culturel
Le Goethe-Institut a marqué d’une pierre blanche sa réappropriation de ses anciens locaux après dix-huit (18) mois de fermeture technique. Le lancement de ses activités culturelles de cette année 2020 s’est fait grâce à l’exposition de peinture et de sculpture « Nexus ». Si nous considérons le vernissage comme étant un match dans un stade de football ce mardi 18 février 2020, nous aurions comparé ce riche, coloré et nombreux public au « douzième homme » venu supporter son équipe. Pour une fois, le Goethe-institut a presque refusé du monde.
En effet, il s’agissait de l’équipe nationale d’art plastique du Togo composée de treize (13) « joueurs » avec naturellement l’équipe de réserve (dont ceux de la diaspora) qui n’avait pas été alignée malgré sa valeur. Il s’agit de treize noms des plus représentatifs et des plus emblématiques avec une haie d’honneur aux cinq (5) femmes qui constituent l’épine dorsale du « Nexus » qui est une connexion, généralement là où de multiples éléments se rencontrent comme dans un vital système de vases communicants. Ici, une trentaine d’œuvres variées à raison de deux par artiste se communiquent leurs vibrations du 19 février au 20 mars 2020 dans la salle d’exposition du Goethe-Institut à Lomé.
Pour une cérémonie de vernissage, ce nombreux public composé de curieux et d’avertis s’est déplacé parce que motivé par la composition de l’équipe avec ses ténors et ses jokers. Cette exposition qui regroupe la crème des crèmes de l’art plastique au Togo avec ses multiples facettes éclectiques a tenu toutes ses promesses. Michel Adjonou avec son style singulier et intrinsèque ; Abla Sika Akpaloo dans sa création qui édifie et qui interpelle ; Constantin Alihonou mettant devant ses sculptures inspirées par le Maître Paul Ahyi ; Kossi Assou qui dans son travail s’inspire de l’antique savoir-faire africain et utilise ses ressources pour avoir une créativité renouvelée ; Maëlle Ayanou avec son art figuratif inspiré par la flore ; Tété Azankpo bien fidèle à ses matériaux de récupération ; Gustave Akpéhou Djonda avec ses sculptures par assemblage de bois et accessoires représentant les longilignes femmes masaï ; Cristelle Flagbo misant sur ses étranges visages totémiques entre collages et couture ; Améyovi Homawoo présente sa peinture gaie, intense, et colorée qui met la silhouette féminine au centre ; Laka, avec ses créations remarquables qui portent l’empreinte de génie ; Sabine Medowokpo et Doé Mensah dont les créations sont à cheval entre le figuratif, l’abstrait et le conceptuel et enfin le Commissaire de l’exposition, Eric Wonanu dont les œuvres sont axées sur le visage dans tous ses états grâce à sa touche personnelle. A propos de toutes ces œuvres, nous pouvons retenir ce qu’affirme B. Berenson : « Nous ne saisissons bien que les objets auxquels nous prêtons des qualités humaines. »
L’exposition a le mérite d’être à la fois intergénérationnelle et intragénérationnelle. Il s’agit aujourd’hui d’intensifier notre capacité à soutenir nos créatrices et créateurs. Les soutenir, c’est avant tout, s’intéresser à eux véritablement. En leur consacrant du temps comme lors de cette exposition par exemple, ne serait-ce que pour regarder de près ce qu’ils font qui est en réalité toute leur vie. L’art, c’est l’expression du vivant. Le contact avec l’art laisse très souvent une trace indélébile dans nos pensées et dans nos cœurs. Cela nous apaise, nous interpelle, nous stimule à vivre. L’art est magique et nous invite au rêve, à la découverte et au partage avec autrui.
A travers cette belle exposition qui nous ouvre les portes culturelles du Goethe-Institut, les treize peintres et sculpteurs nous forcent à regarder le monde de plus près. Ce faisant, ils nous poussent à scruter l’intime de nous-mêmes. L’avenir d’une société est forcément lié au regard qu’elle porte sur elle-même. L’art est ce miroir devant lequel en aucun cas, nous ne devons plus détourner les yeux. Comme l’a si bien dit Goethe, « Il suffit que l’artiste fasse le choix d’un sujet pour que celui-ci n’appartienne plus à la nature. » Nos artistes ont besoin de nous comme d’un « douzième homme ». Nous avons besoin d’eux. Aujourd’hui plus qu’hier.
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