La crise engendrée par la pandémie liée au covid-19 mettra l’Afrique face à une inévitable récession économique. La croissance devrait se rétracter fortement entre 2019 et 2020, passant de 2,4 % à -5,1 %, selon les estimations de la Banque mondiale. A cet effet, les cerveaux sont à l’œuvre pour mettre en place des solutions qui vont permettre au continent de faire face au pire. L’experte internationale en inclusion financière, Reckya Madougou compte sur le secteur de la microfinance. Elle pense qu’à travers la microfinance, le continent doit faire du sauvetage et de la croissance des très petites et moyennes entreprises un enjeu crucial dans la réponse globale à la crise. Ceci afin d’éviter une double crise, économique et humanitaire.
Le Covid-19, à l’instar d’autres pandémies, désagrège le tissu économique et fragilise les plus vulnérables, notamment les acteurs de l’économie réelle en Afrique, le secteur informel, les très petites entreprises (TPE) et les moyennes entreprises (PME/PMI). Face à cette situation, plusieurs spécialistes ont conseillé le télétravail. Cette solution qui bat actuellement son plein dans les pays occidentaux semble être inefficace en Afrique, selon Reckya Madougou. Dans une tribune publiée sur Jeune Afrique, la spécialiste en inclusion économique estime qu’en Afrique, la plupart des acteurs de l’informel, de nombreuses TPE et PME, ne peuvent pas travailler de chez eux.
Recours à la microfinance
La majorité des africains opèrent dans le secteur informel. La richesse intérieure est produite à hauteur de 50 % en Afrique subsaharienne par ce secteur qui concentre 85 % des emplois. « Face à une telle structuration du tissu économique, le secteur de la microfinance est le mieux indiqué pour soutenir efficacement les TPE, PME, PMI et ménages vulnérables en vue d’éviter une double crise économique et humanitaire », soutient Reckya.
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Selon les de développements de l’experte, les institutions de microfinance (IMF) ou les systèmes financiers décentralisés (SFD) agissent dans plus des trois quarts des pays du continent pour répondre aux besoins de financement des ménages et des entreprises informelles. La promotion et l’accroissement du taux de pénétration des IMF ou SFD ces deux dernières décennies sur le continent a amélioré de façon significative l’inclusion financière et a contribué au recul de la pauvreté en Afrique, notamment la pauvreté monétaire.
« Et pourtant, les IMF ne couvrent au maximum que 15 % des encours de crédits octroyés au secteur privé alors même qu’en dépit des coûts onéreux de fonctionnement, l’activité reste soutenable si elle s’inscrit dans une chaîne de valeur de refinancement bancaire appropriée », déplore-t-elle.
Refinancement des microfinances
Le continent africain doit faire recours à la microfinance. Cela requiert plusieurs procédés expliqués par Reckya : « Tout d’abord, le refinancement des IMF afin qu’elles soutiennent les populations vulnérables, accompagnent les petits entrepreneurs, les artisans et préservent les activités économiques des femmes. Ensuite, une mise en place des mesures idoines à l’endroit des IMF pour mitiger les risques d’impayés inévitables en pareille circonstance et susceptibles de compromettre leur existence, et ce, grâce à des subventions pouvant aller de 30 % à 50 % du concours apporté. Enfin, la facilitation de leurs activités par un renforcement de capacités techniques et matérielles ainsi que l’allègement de certaines règles prudentielles relatives, entre autres, au taux directeur, au ratio de fonds propres actuellement supérieur à celui des banques dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), aux critères de déclassement de crédits, à la défiscalisation du secteur, etc ».
Ces mesures permettront de financer davantage les économies africaines et de réduire le coût du microcrédit.